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Habiter la terre… Chine ! - Hakkas
Voyage en Chine
Septembre - Octobre 2007
Hakkas
Mardi 18 Septembre
L'Airport Express nous emporte vers Chep Lap Kok.
Contrôle douanier. Salut militaire très strict.
Zhe (prononcez Dje) - la journaliste qui nous accompagne en Chine - me raconte des bribes de son passé.
Petite, elle passait dix heures par jour pour faire des
défilés en musique sur la place Tien An Men pour 90 yuans
/ mois (9 euros…). Au service militaire, des séances de
deux heures en plein cagnard, pour faire le salut militaire, totalement
immobile. Le moindre mouvement ou clignement d'oeil pour
détourner la sueur, et on recommence pour une heure. Manger en
vitesse, le dernier qui finit va faire la vaisselle de tout le monde.
Elevée à la dure…
Et puis tout à coup à partir des années 2000, tout
bascule, le système commence à changer vraiment…
Xiamen, sur la côte sud est du pays. Une immense ville en
chantier. Des centaines d'hectares de terres agricoles
transformées en lotissement pour classes moyennes. On rase des
collines entières pour en faire du béton. On est loin du
développement durable…
Arrêt dans un centre commercial délirant. Cinq
étages envahis d'une pléthore d'objets de toutes sortes,
copies, contrefaçons, gadgets de toute sorte, magasins de
meubles, etc, etc… dans le vacarme des vidéos qui
tournent à plein régime sur les écrans
géants des échoppes d'électronique. Des meutes de
chinoises et chinois qui s'engouffrent sur les escalators. Nous
dévalisons en courant une sorte de pharmacie en eau potable, car
Zhe prétend que l'eau n'est pas bonne plus loin.
Nous sommes repartis. Minibus Hhundaï affrété pour
l'occasion. Le chauffeur - Mr Whou (en phonétique !) vient
d'allumer son lecteur de dvd. La vidéo du Karaoke est
diffusée dans un miniécran incrusté en
transparence dans le rétroviseur. Un vidéo clip total
ringard.
L'autoroute. Les chinois conduisent vraiment comme des fous. Les
travelling routiers dans les pays asiatiques m'ont toujours
fasciné… Une telle activité, un tel mélange
de genres ! Immense zones d'habitations. Industries. Nous traversons
des kilomètres de zones urbaines. Succession d'échoppes.
Bois, bambous, ferrailles, légumes, vidéos, pneumatiques,
briquetterie, etc, etc… Une richesse visuelle. Une abondance
d'informations. Et aussi une immense frustration pour un homme
d'image… On pourrait s'arrêter partout.
Dans la voiture, la discussion part sur la cuisine chinoise. Zhe nous
promet un bon restau de serpent frit à Pékin. J'ai
hâte de voir çà.
A Canton, malgré l'interdiction, on peut encore trouver de la
cervelle de singe frais, décapité pour l'occasion dans
les arrières boutiques tenues par les réseaux mafieux. Ce
sont bien sûr des pratiques totalement marginales par rapport
à l'immense majorité de la population qui consomme
à tout va de la junk food, ou alors ce qu'elle peut. Zhe
prétend même qu'un petit groupe de personnes, avec l'aide
de réseau de corruption dans les hôpitaux, se nourrit de
foetus humain… Des femmes, surtout, car cela rendrait la vie
éternelle…
Etrange Chine !
Maintenant ce sont des plantations de bananes, de chaque
côté de la route. Nous croisons des camions
surchargés. Tout descend de la montagne. Bois d'oeuvre ou
destiné au chauffage, pierres pour la construction. La Chine est
en train de vider ses ressources naturelles.
Il y a eu ce tunnel, avec un immense monastère et une pagode,
juste à gauche, puis la vallée s'est
rétrécie.
La bourgade, où on retrouve les premiers vélos de
l'époque Mao. Voici un vrai campagnard, avec la tenue verte des
années 80.
On a l'impression de remonter dans le temps en prenant de l'altitude dans cette vallée qui se rétrécit.
Nous passons un col, encore une autre vallée, puis un nouveau
col. Nous glissons dans des forêts de bambous, secoués par
des rafales de vent. C'est la Chine des rizières en terrasses,
des plantations de thé et des typhons.
On en annonce, d'ailleurs, pour après demain.
Quatre heures de route…
La nuit tombe.
Nous débarquons dans un village à flanc de vallée.
Quelques lumières. Quatre gros bâtiments.
Un patron de "Guest House" qui nous accueille en braillant et en nous
forçant à boire du thé. C'est le chef du village,
le patron du coin, ce genre de mec incontournable en Chine. On papote
encore jusqu'à point d'heure. Tout le monde aimerait bien aller
se coucher. A l'étage, quelques minuscules piaules
compartimentées avec des cloisons qui n'en sont pas. On
s'écroule sur des lits rustiques aux couettes
molletonnées et brodées. Le vent souffle en rafale de
plus belle. J'entends un voisin qui vient piquer une poule, juste en
dessous de la fenêtre. Puis le patron qui descend les escaliers.
Cà braille dehors.
Puis tout retourne à la normale.
Mercredi 19 Septembre
Communauté de Tian Luo Keng.
Ethnie Hakka.
Les Hakkas sont une ethnie à forte identité culturelle.
Ils ont construit d'immenses habitations collectives. De
véritables immeubles en terre, avec les ateliers et parties
d'usage collectif au centre. C'est le "Tulu", habitat communautaire
abritant de nombreuses familles, parfois un village entier. De
véritables forts à entrée unique, facile à
défendre. A l'origine, au rez de chaussée on trouvait les
animaux, ainsi qu'un puits. Les greniers et réserves d'armes se
situaient au premier étage, et les logements, - seuls à
posséder des fenêtres - au deuxième avec la salle
de culte des ancêtres.
Cela fait des années que j'ai voulu venir ici. Je suis fasciné par ces habitats collectifs circulaires.
A 800 mètres d'altitude, la communauté de Tian Luo Keng
est constituée de quatre gros fortins circulaires, en terre
compressée, avec étages intérieurs tout en bois.
Arrivée avec le chef du village. Nous rencontrons la famille
Huang. Trois générations vivent dans cette maison ronde,
partageant la vie d'une communauté d'une centaine de personnes.
Au milieu de cet immense bâtiment circulaire, un puits. La
communauté y élève quelques poissons porte
bonheur. Des canards passent dans la cour centrale, on les zigouillera
pour les grandes cérémonies. On monte à travers
les rizières voir le père qui élève ses
cochons. Une voisine ramasse des haricots. Ici du gingembre, là
des bananes, plus loin des courges. Toute une petite agriculture
traditionnelle d'autosuffisance, enfin jusque là… Ils
commencent à vendre de plus en plus pour la vallée.
Le père de Mr Huang a 67 ans. Il est en pleine forme. Il nous accueille avec un grand sourire dans sa porcherie.
Avant, les animaux étaient élevés juste à
côté du tulu, ou même parfois dans la cour centrale,
pendant les périodes difficiles de conflits avec les
communautés voisines, ou les périodes de guerres. Tout le
monde pouvait alors se réfugier à l'intérieur du
bâtiment.
Mr Huang - le père - donne à manger à ses cochons.
A l'entrée du bâtiment, il y a ce système de
récupération du méthane, qui utilise les
excréments des cochons. D'ailleurs ces excréments sont
aussi utilisés dans la maison ronde, pour la cuisinière.
Nous redescendons au Tulu, par la route cette fois ci. Sur les pentes,
il reste quelques sapins qui ont servis à la construction des
bâtiments. Du bois léger, et facile à travailler.
Ils sont envahis de cigales (des chinoises, bien sûr, pas du tout
le même chant que chez nous !) et d'oiseaux. Mais de moins en
moins nombreux.
Il y a ces ouvriers sur la route, qui assemblent quelques pierres
taillées sur place à l'aide d'un mortier grossier.
Porteuses de ciment, porteuses d'eau, tailleurs de pierre,
maçons.
Au Tulu, c'est le coup de feu. L'heure du repas.
Les gamins qui braillent. Les femmes qui s'activent derrière les claustras en bois des cuisines.
Les grands mères se sont mises dans le porche d'entrée, pour profiter d'un petit courant d'air frais.
Les enfants sont élevés à la dure. A coup de
baguettes. En voilà un qui se prend une torgnole qui le couche
par terre, parce qu'il ne mange pas comme il faut. Un autre
frappé à coups de branches. Des mômes de trois
ans…
On éduque à la dure ici.
Mr Huang n'a pas de nouvelles de sa femme, elle doit papoter avec des
voisines quelques part. Alors il attaque la cuisine. Je lui donne un
coup de main. Trois époques sont visibles en parallèle
dans la cuisine.
Epoque 1 : le four en pierre et céramique, chauffage au bois, avec un immense wok d'un mètre de diamètre.
Epoque 2 : le réchaud alimenté au gaz de méthane
produit par le caca de cochon, avec le wok genre grand mère.
Epoque 3 : la plaque à induction à alimentation
électrique et régulation électronique, avec wok
style Ikea.
Nous partageons la vie de cette communauté de familles qui
continuent à vivre ensemble, dans un climat
intergénérationnel, même si les plus jeunes ont
leurs activités en dehors du "village". Une Chine qui
résiste à une certaine forme de modernisme occidental, en
cultivant son propre mode de vie. Tout au moins dans sa manière
d'habiter.
Début d'après midi.
Nous sommes montés un peu plus haut que le village, faire
quelques plans de situation des maisons au milieu des rizières.
Puis le chauffeur nous emmène plus bas, dans la vallée.
Nous rejoignons une route un peu plus grande. Et voici un autre Tulu.
Etonnant lui aussi. Magnifique. Un des plus grands de la région. Un peu à l'abandon.
Revenus à Tian Luo Keng.
Nous descendons un petit sentier qui serpente entre les rizières
et les bambous pour atteindre l'étang du village. L'étang
aux poissons. Mr Huang y travaille tous les jours, il est chargé
de la nourriture des poissons. Pour l'instant on en attrape un,
appâté à la feuille de courge ! Une sorte de carpe,
en plus petit. Mr Huang n'imagine pas aller habiter ailleurs. Son pays
c'est ici. Il sait qu'en bas, dans la vallée, le monde change
très vite, et qu'il sera peut être obligé de le
faire un jour. Mais il préfère ses rizières et son
Tulu en bois.
Plus haut, le chef du village, lui, pense avoir tout compris, il est en
train d'ouvrir son guest house. Il attend la décision de la
commission de l'Unesco qui doit mettre son village sur la liste du
patrimoine mondial. Il a déjà fait le panneau, prêt
à être accroché sur la façade. Il vend
déjà quelques livres aux touristes chinois de passage,
dans la vitrine de son échoppe.
Un sacré filou.
Les femmes cuisinent.
Les enfants continuent à brailler.
Le chef, lui, continue à fumer, et à boire du thé
maison à qui mieux mieux. De temps en temps, il répond
sur son portable en braillant quelques décibels en plus,
arpentant alors la cour en gesticulant.
Finalement, au moment où la nuit tombe, tout se calme.
Le patron a sorti une table, nous allons peut être manger dehors.
La lune perce la couche de fins nuages qui ont voilé le ciel
toute la journée, sans pour autant apporter la pluie.
Les odeurs de cuisine frite commencent à descendre dans le village.
Un instant, le soleil couchant vient caresser les crêtes,
inondant la vallée, les façades et les peaux d'une
couleur magique, un mélange de rose et violet. Juste un court
instant.
Puis les premiers moustiques et d'immenses paillons de nuit aux ailes jaune d'or, et autre chauve souris.
Les premiers grillons, et toujours cette brise, là bas, dans la forêt de bambous.
Il est temps d'aller s'encanailler à l'alcool de riz autour d'un
bol de canard aux légumes, en refaisant le monde… en
chinois.
Jeudi 20 Septembre
Nous avons repris la route pour Xiamen.
Les Hakkas ne vont pas rester tranquilles très longtemps…
La Chine a décidé de valoriser son patrimoine culturel et
historique. Elle met les moyens. Au niveau des infrastructures, tout
est prêt pour un tourisme régulier, un tourisme de masse,
un tourisme de cars. Il y a même ce belvédère en
construction, là, qui domine la vallée. On nous demande
20 yuans (2 euros par personne) pour avoir le droit de faire les
photos. 3 personnes : 60 yuans. Le lascar à l'entrée a
fait sa journée avec 60 yuans, il ferme boutique et file
à travers les bois !
Quatre heures de route de retour pour rejoindre Xiamen.
Les forêts de bambous, dans l'autre sens. Petit à petit la
ville reprend le dessus. Plus loin, en longeant la côte, nous
longeons une immense usine - flambant neuve - d'électro
ménager. Plusieurs hectares de bâtiments jaunes
alignés. Un bâtiment mirador au bout. Barbelés
immenses. Panneaux démesurés. Sigles géants. Des
milliers d'ouvriers qu'il faut loger à côté. Juste
en face, de l'autre côté de la voie rapide, une rafale
d'immeubles en construction.
Xiamen. Nous nous engouffrons tard dans un immense restaurant
climatisé. Premier étage avec une salle d'environ 1000
mètres carrés… Repas d'affamés dans un
salon particulier, au deuxième étage. En sortant, la
plupart des clients sont déjà partis. Il reste tout le
personnel, au garde à vous, devant 30 mètres d'aquarium
sur deux niveaux, où on peut choisir son poisson. C'est la
leçon de morale. La chef du personnel juge publiquement les
employés. Filles en tenue orange avec chignons. Hommes en tenue
bleu sombre avec chemise blanche. Zhe m'explique que c'est une
humiliation publique. La plupart des serveuses viennent de la campagne,
il s'agit de leur premier emploi. C'est facile de les tenir.
Aéroport de Xiamen. Finalement nous avons réussi à
caler un vol pour Canton et Liuzhou, où nous devrions dormir ce
soir. Nous gagnerons ainsi quelques heures à Chengyang, chez
l'ethnie Dong. Pour l'instant, exercice des forces spéciales,
qui bloque l'aéroport. Taïwan a fait une déclaration
jugée belliqueuse par le pouvoir central, alors la
République populaire de Chine fait sa démonstration de
force. Cà bloque le trafic aérien régional…
Vol Nocturne Xiamen > Escale Canton > Liuzhou.
Aéroport militaire. Avions de chasse sous les bâches.
Taxi > la ville, qui scintille de mille feux. De puissants
projecteurs éclairent les collines, où des pagodes
modernes dominent la rivière. Les ponts clignotent de mille
lampes. Petite ville de province (300 000 habitants). Des milliers de
gens dans les rues profitent de la relative tiédeur du soir.
Liuzhou Hotel. Bâtiment époque Mao relifté
années début 90, genre ville de province. Chambre
à 60 euros. Environ 30 m carrés. Un ordinateur à
disposition avec l'internet haut débit. Une rafale de produits
inconnus dans la salle de bains. Tout à disposition. Gratuit.
On pourrait même aller au centre de lavage " (sic), juste
à côté, où on s'occupe de vous. Massages
voir plus si affinités monétaires…
Non merci.
Je m'écroule sur un lit de deux mètres de large, devant
la baie vitrée, et cette ville qui va ronronner jusque dans mes
rêves.
=:-)
Etape suivante : Dong
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