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Radio Vercors


A partir de l'été 1982, juste à l'été 1984, je participe à l'aventure de Radio Vercors.
Une radio "libre".
En fait avec un statut un peu spécial : une radio bénéficiant de fonds publics, puisque qu'émanation du Parc Naturel Régional du Vercors.
Reportages, directs, invités, pendant deux ans j'anime une émission quotidienne de 45 minutes : "Microscoop".



Projet Culturel du Parc Régional du Vercors

Radio Vercors est un des volets importants du Projet Culturel du Parc du Vercors.
La radio doit "faire communiquer" des régions du Parc.
Le concept : rassembler 52 communes. Fédérer.
Noble intention…
Reste la réalité du terrain, les difficultés d'émission en terrain montagneux, et parfois les blocages.

Une fantastique aventure, de la définition du concept, l'établissement de la grille de programmes, les enquêtes, les reportages, les grands moments…



Mise en place - Rencontres

Il y eu ces interminables réunions de préparation, et aussi ces repas mémorables.

D'abord chez André PITTE, que je rencontre par l'intermédiaire de Michel DE PAPE.
ils viennent de monter la société d'édition La Manufacture, qui s'occupe de l'édition des Cahiers Culturels du Parc.
André vit à Die. Je rejoins ma ville natale.
Casse croute improvisés, dans l'arrière cour, ou grand gueuleton où on refait le monde, dans la cuisine de l'ancienne cure, assis à côté du Jotul.

La rencontre avec André Le Gal.
Ecrivain, André collabore à France Culture. Il est détaché de France Culture, pour participer à l'élaboration de la grille de programmes.


Des repas, il y en a eu…
Je me souviens d'un certain civet de sanglier dans le Trièves, dans la maison basse du conseiller général, vice président du Parc à l'époque.
Le but du jeu, c'était de le convaincre de signer le projet Culturel.
Tous les politiques du Parc sont là : les quatre présidents, et nous, la petite équipe de Radio Vercors.
Un repas gargantuesque.
Et les bouteilles circulaient.
J'ai appris - si je ne le savais pas encore - que la politique se règle souvent sur le coin d'une table, avec une bonne bouteille.
L'avenir me le confirmera.
Et ce retour sur les routes verglacées, au milieu de la nuit…


L'arme fatale

Au vu du territoire, j'ai opté pour une solution la plus mobile possible. Puis que les gens du Parc ne se dépacent pas, d'une région à l'autre, c'est nous qui allons nous déplacer…
Au centre du dispositif, il y a ma Simca 1000 blanche, avec des autocollants découpés dans du vénilia…

Cette voiture est un véritable Studio.
Dans le coffre, en permanence, le nécessaire de survie, les affaires de spéléologie (je fais partie des spéléo-secours…), et un duvet, pour dormir dans la pampa.
Et puis, sur la banquette arrière rabattue, je peux faire mes montages, au bord de la route, avant de les envoyer depuis les cabines téléphoniques.
J'ai un Nagra 4S, un peu lourd, mais costaud. Un stock de bandes 6,35, vierges, sous les sièges, dans un sac étanche.
Et roule ma poule…
50000 kms par an, uniquement sur les routes du Vercors !!!
Par tous les temps, bien sûr, Radio Vercors ne recule devant rien.


Les studios mobiles

En attendant le réseau d'émetteurs (qui ne sera d'ailleurs jamais installé, jugé trop honnéreux - cause de l'échec de l'opération à moyen terme selon moi), nous organisons des diffusions ponctuelles, avec émetteurs temporaires, installés sur des collines.

* La Chapelle en Vercors

A l'occasion du Festival International du Film de Spéléologie, nous lançons notre première série d'émissions.
Je connais par coeur l'événement, d'ailleurs tout se mélange.
Des détails plus tard…

* Die

Le studio est installé dans le salon d'un immeuble prêté par la ville de Die.
Pour améliorer l'acoustique, nous avons installé une sorte de tente en gros tissus lourds. Cela donne aux installations une allure de tente berbère. Sur sol en parquet marqueté.
Nous avons décidé d'émettre au mois de Septembre, une fois le rush de l'été touristique terminé.

L'émetteur est installé sur la cathédrale, nous arrosons Die et ses alentours.
Grosse campagne de promotion pour les premières diffusions.
L'équipe est composée de Jean Michel, journaliste, d'Elisabeth, animatrice à la voix rauque à faire tomber les noix, qui descend de Paris, d'un ingénieur du son venu en renfort de France Cu, d'André Le Gal, garant du contenu éditorial, et de moi, animateur, reporter, le régional de l'étape, qui brasse dans la pampa, connaissant les routes et chemins du Vercors comme ma poche de short.

Le premier reportage mixé que je produis est un bobineau sur le berger de Combeau.
Interview du berger.
Prise de son (stéréo, svp !) des ambiances. oiseaux, ruisseaux, etc…
Mixé avec la musique de Keith Jarrett. (On se mouche pas du coude).
Une petite dizaine de minutes, si mes souvenirs sont bons. Beau résultat. il doit encore traîner dans la cave, cherchez bien…

Tout l'été 1982, j'ai sillonné le diois, en enregistrant des témoignages.
Nous avons ainsi produit et mixé une série de reportages sur le vignoble diois.
Mais pour la première émission, j'ai décidé d'inviter un "jeune". Faire un truc qui pulse, qui remue un peu dans le bocage.
Ce jeune, c'est celui qu'on surnomme "Callagh". Il a envie de balancer un peu, de se lâcher, de dire ce qu'il pense. Pendant 45 minutes, alors que je vante les mérite du pays diois, lui fait le contrepoint, en modérant mes propos, en disant qu'on ne fait rien pour les jeunes, etc…
L'émission n'est pas finie qu'André décroche le téléphone, là bas, dans la cabine son. Mr Bonniot. Le maire de Die en personne.
Le maire nous convoque dans son bureau. On serre les fesses, mais on tient bon, en disant qu'il faut faire dans la diversité culturelle. André regarde ses pieds en barragouinant, puis en relevant la tête juste au bon moment, pour planter le regard dans celui de son interlocuteur, comme il savait le faire. En face, ça ne bronche pas. Soupe à la grimace.
Finalement l'affaire s'arrange avec un coup de fil de Pillet, alors président du Parc.
Aujourd'hui encore, Bonniot fait semblant de ne pas me reconnaître, quand je le croise dans les petites rues.
Coriace, le bougre…

Tous les soirs, quand j'ai fini mon émission, je m'amuse à faire un tour de ville.
Je me souviens de ces descentes de la rue Camille Buffardel. Septembre, toutes les fenêtres sont ouvertes. On peut suivre Radio Vercors tout du long de la rue ! Tout le monde écoute.
Le bureau de rédaction délocalisé est installé en terrasse du café de Paris, à une trentaine de mètres du studio. Il suffit de traverser la place.

Un soir, à la fin des émissions, toute l'équipe sort manger. un repas bien arrosé.
En revenant au studio, nous décidons de lancer un appel sur l'antenne. L'ingénieur du son ouvre la console, je me mets devant le micro, et annonce que Radio Vercors offre une bouteille de clairette aux auditeurs qui viendront dire bonjour au studio.
Quelques minutes après, alors que nous trinquons à la réussite de cette première semaine de diffusion, quelqu'un frappe à la porte.
En fait une seule personne a entendu le message, ayant oublié d'éteindre la radio à la fin des programmes.
André va ouvrir, et je vois débarquer un drôle de personnage, en robe de chambre, mal rasé (je ne savais pas encore que c'était chronique) clop au bec, avec une bouteille de clairette, et qui part d'un grand éclat de rire en levant les bras au ciel.
Je viens de faire la connaissance de "Prof" (Chrsitophe Berthoud), que j'entrainerai plus tard dans plusieurs de mes aventures…


* Chichilianne

Quelques mois plus tard, au moment de Noël, nous investissons le Trièves.
L'émetteur est installé au sommet d'une colline, monté en claie de portage, en skis, dans la neige…
Le studio est installé dans la cure, sur la place du village.
Il y a le poële à bois qui ronronne, on l'entend pendant les émissions. On entend aussi les bûches, qu'on charge dans le poële. La Radio réalité…
J'invite les vieux du coin, les jeunes, tout le monde. Dans un grand happening permanent.
Nous avons embarqué François Ribard dans notre aventure, recruté sur un coin de bonne table du trièves.
Nous explorons de nouvelles pistes.


* Pont en Royans

Cette fois ci, nous avons choisi Pont en Royans.
Yves Pillet est le maire de Pont en Royans.
C'est certainement l'expérience mobile la plus difficile pour nous.
Le studio est assez sordide, installé dans les maisons suspendues. On y accède par la petite rue étroite.
J'ai l'impression que la petite équipe du début commence à s'essouffler. Disons qu'elle commence à rentrer dans une sorte de ronron quotidien.
Je décide pour ma part d'accentuer encore la couverture régionale. Je m'efforce de proposer régulièrement des bobineaux enregistrés dans d'autres régions du Parc, et de proposer une information extra territoriale.
Par exemple, je commence à suivre l'actualité des concerts "d'envergure", à l'extérieur du territoire du Parc.
Touré Kunda à Valence.
La diva, à St Antoine l'Abbaye.
Des spectacles à la Maison de la Culture de Grenoble.


* Villard de Lans

L'installation à Villard de Lans est une nouvelle étape.
Bien sûr, il y a ces nouveaux studios, flambant neuf.
Et ce fond de catalogue de disques, acheté à la fnac de Grenoble, pour assurer la couverture musicale de l'antenne. J'ai un petit budget, pour renouveler les achats de disques. Pas mal.
L'équipe s'est agrandie.
Nous avons embauché Prof, qui travaille à la console d'exploitation, en alternance avec Luc.
Mais nous perdons l'attrait du nomadisme.

Je vis dans un appartement au centre de Villard de Lans, avec Christophe et André, justement.
Ce sont mes premier salaires.
J'achète un futon, et une mini chaîne. Basta. Le reste en essence, et en mousquetons…

La vraie ruse, c'est que j'ai fait fabriquer à Grenoble une petite valise son, qui permet de mixer en direct quatre sources (4 micros par exemple). Avec un insert téléphonique, pour se raccorder sur les prises de téléphone, et ainsi envoyer le son directement sur la table de mixage du studio de Villard de Lans. Les musiques sont envoyées depuis le studio central.

Pas de portable à l'époque, il faut s'arrêter dans les cabines téléphoniques, le long de la route, pour passer des reportages, ou donner des nouvelles.

Les gorges de la Bourne commencent à s'effondrer.
Il faut faire le tour par Herbouilly, chaque fois qu'on va travailler dans le vercors sud ou le diois.
Des heures et des heures de route, par tous les temps.
La conduite sur neige…

Il y a ce direct depuis le bar du foot de St Jean en Royans, le jour de la finale opposant St Jean en Royans à Pont en Royans !!!
Il y a ce direct depuis Rochechinard, avec trois mamies qui papotent sur l'ancien temps, et un micro dans le tilleul, pour faire passer le son du vent dans les feuillages…
Il y a ce direct depuis l'Université du vin, à Suze la Rousse, avec interviews faites et montées pendant l'émission !!
Il y a eu des foules de moments extraordinaires, imprévus, nouveaux, pour moi, et pour ceux qui y participaient.


Quelques reportages :

* Commémoration des événements de Juillet 1944 - Vassieux en Vercors.
* Etape du tour de France (?) au Col du Rousset.
* Emission spéciale sur les jeux olympiques, au studio de Villard de Lans.
* Emissions en direct au studio de Villard de Lans.


Vers d'autres aventures

En Septembre 1984, pendant le festival du film de spéléologie, dont je suis sous-directeur à l'époque, je recois un coup de fil de Pierre François Desgeorges.
C'est le rédacteur en chef des Carnets de l'Aventure, l'émission d'Antenne 2. Un habitué du Festival.
Il me demande si je connais des jeunes réalisateurs cameraman, pour participer aux sélections pour une nouvelle émission d'Antenne 2.
Ils ont reçu des tas de candidatures, mais n'ont pas encore déniché les perles rares.
Je feuillette le répertoire des jeunes réalisateurs de films de spéléologie.
Petit à petit, nous descendons ensemble dans la liste.
Celui là est trop vieux, celui là n'est pas français.
Les noms passent. On ne trouve personne.
En face de moi, Janot Lamberton fait des signes en me désignant.
Je lui passe le téléphone, et il propose que je fasse partie moi même de la sélection.
J'ai tourné trois bouts de film, mais je ne suis jamais sorti d'Europe.
D'ailleurs, je n'ai jamais pris l'avion.
"Justement. Nous voulons un regard neuf".
A l'autre bout du fil, je sens que l'accueil est bon. J'imagine encore, en repensant, la tête de Pierre François Desgeorges.
En quelques minutes, ma décision est prise.
Je viens de m'engager sans le savoir dans une voie qui déterminera toute ma carrière.
Une immense aventure : Le Grand Raid Le Cap > Terre de Feu.

=:-)


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