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La Peau de l'ours
L'homme qui a vu l'homme… qui a vu l'ours !!!
L'incroyable histoire de mon
ancêtre, le bûcheron Bouillanne, anobli pour avoir
sauvé des griffes d'un ours un éminent personnage du
royaume, alors en chasse dans la forêt de Lente.
Mon arrière grand mère s'appelait Bouillanne. Elle avait
refusé de payer pour la transmission de la particule.
Le bûcheron Bouillanne, quant à lui, vivait dans la vallée de Saint Julien en Quint, à
côté de Die.
Un jour, alors qu'il coupait du bois avec son collègue,
dans la forêt de Lente, il entendit de grands cris…
Mais lisez plutôt l'extrait de l’historien Michel
Wullschleger originalement publié aux Éditions Horvath [1992, t. 1, pp.
171-172] et réédité en 1993 par l’association française "Les
descendants des de Richaud et de Bouillanne" [Gazette de l’Ours, No.
21, février 1993, p. 9].
Les Bouillanne et les Richaud
constituent deux lignées d’une petite noblesse rurale,
reconnue unanimement comme très ancienne et dont l’origine
se fonde sur une des plus belles histoires du Dauphiné. Fort
modestes par l’étendue et la valeur de leurs biens,
quelque paralysés dans leurs entreprises par la crainte de
déroger et donc demeurés pauvres, mais souvent grands
dans la manière de surmonter l’adversité, ils ont
de tout temps renforcé leur étonnant compagnonnage par
les liens matrimoniaux.
Le Pays de Quint, aux confins du
Vercors et du Diois [Drôme, France], tire son nom d’une
borne milliaire de la route romaine de Die à Valence et
s’inscrit dans le bassin de la Sure. Née en contrebas des
hauts plateaux d’Ambel et de Font d’Urle, la petite
rivière arrose Saint-Julien, sépare Saint-Andéol
et Saint-Étienne qui ne constituent néanmoins
qu’une seule communauté, coule en contrebas de
Vachères et se jette dans la Drôme à Sainte-Croix.
La tradition veut que deux
bûcherons de la vallée, François Bouillanne et
Michel Richaud, travaillant en forêt du quartier de Malatra qui
unit les hauts plateaux d’Ambel et de Lente, sauvèrent
d’une mort certaine et horrible un chasseur de haute naissance,
prince souverain du Dauphiné, en tuant un ours énorme qui
ne lui laissait d’autre choix que ses griffes ou un saut dans
l’abîme. Les deux hommes ayant refusé l’or du
prince, celui-ci les anoblit et leur donna des armes "d’azur
à une patte d’ours d’or mise en bande".
D’autres communautés villageoises cherchent à
accaparer l’événement mais l’Histoire tranche
en faveur du Pays de Quint.
Nous n’avons pas de certitude
quant à la nature exacte et aux circonstances de la rencontre de
Malatra, ce qui, en aucune manière, ne saurait signifier
qu’elle relève seulement de la légende. La
tradition identifie généralement le chasseur comme
étant le Dauphin de France, fils de Charles VII et futur Louis
XI qui administra le Dauphiné entre 1440 et 1457. Mais une
charte du cartulaire de l’abbaye de Léoncel, celle
"d’Adhémar Richau de Rouisse et de quelques autres au
sujet d’Ambel", datée du 21 septembre 1245 et traitant de
la confirmation d’une donation au monastère, cite parmi
les témoins un Umberto de Bollana, Humbert de Bouillanne.
Rouisse est un hameau de Saint-Julien-en-Quint, et Humbert figure
également, au même titre, dans deux textes du mois de
novembre de la même année, élaborés dans le
même vilage. Par ailleurs, les archives de la Drôme et de
l’Isère conservent l’hommage rendu à Aimar de
Poitiers, le 18 mars 1327, par noble Pierre de Richaud, et le 8
décembre 1349, par "noble homme, Hugues de Bouillanne" pour
leurs biens situés en Pays de Quint. Il apparaît donc
clairement que le chasseur de Malatra n’était pas le futur
Louis XI, né en 1423 et mort en 1483, et qu’il convient de
chercher du côté des Dauphins de Viennois. Par contre, le
Dauphin de France a fort bien pu, au XVe siècle, confirmer
d’une façon ou d’une autre la noblesse
concédée aux deux familles par son lointain
prédécesseur.
Les bûcherons anoblis
donnèrent donc au Pays de Quint deux lignées de
gentilhommes pauvres, très petits tenanciers et cultivant
eux-mêmes la terre, d’autant plus jalousés que leurs
privilèges étaient modestes. À plusieurs reprises,
au cours des siècles, ils durent faire la preuve de leur
qualité, justifier le bien fondé de l’exemption
dont ils bénéficiaient en matière de redevances,
services et devoirs féodaux et surtout de celle, beaucoup plus
contestée par les autres habitants de la vallée qui en
subissaient indirectement les conséquences, de la fameuse
taille. On tenta de leur faire perdre leur état de nobles, en
les accusant de se livrer à des activités
dérogeantes comme la "marchandise" et le "négoce", les
initiatives venant le plus souvent des communautés de vilageois
dont les charges s’alourdissaient et qui auraient voulu se
compter plus nombreux pour y faire face. Mais au cours des très
nombreux procès, l’appartenance à la noblesse des
Bouillanne et des Richaud fut toujours confirmée, sauf en 1745.
En effet, au milieu du XVIIIe
siècle, l’attaque se fit plus pernicieuse encore,
lancée dans le cadre de la lutte contre la Religion
prétendue réformée que nombre d’entre eux
avaient adoptée, et valut à plusieurs les galères
et à tous, sous divers attendus, la remise en cause radicale de
leur antique état de nobles. Dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle, les Bouillanne et Richaud tentèrent de
montrer l’iniquité de la condamnation du 7 novembre 1745 :
dans ce contexte, Barnave choisi par les deux lignées pour
défendre leur cause et faire casser l’arrêt,
rédigea, en 1787, un mémoire très précieux
pour les historiens. On n’en connaît pas le sort, mais
à la veille de la Révolution, en tout cas,
l’appartenance des Bouilanne et des Richaud à la noblesse
ne souleva aucune contestation. Mieux, à
l’assemblée de Romans, le 10 septembre 1788, ils furent
salués comme membres à part entière de la plus
vieille noblesse du Dauphiné.
Les descendants des deux
bûcherons du Pays de Quint se sont multipliés et
dispersés depuis longtemps. Ayant conservé ou
abandonné la particule à l’époque de la
Révolution française, ils se savent et se reconnaissent
tous cousins et ils se montrent de plus en plus curieux de leurs
racines. En 1987, une sorte de pari, celui d’un rassemblement
général organisé le 15 août à
Saint-Julien-en-Quint, en mit en route près de 300. La
même année naquit une association dite "Les descendants
des de Richaud et de Bouillanne, issus de la noblesse de la
Vallée de Quint en Dauphiné (France)". Elle s’est
donnée pour but de protéger l’histoire des deux
familles, d’en éclairer les zones d’ombre et les
incertitudes, de retrouver le plus grand nombre de cousins où
qu’ils vivent à travers le monde, d’organiser chaque
année une réunion générale. Des contacts se
nouent dans tous les continents, et un étonnant réservoir
s’est révélé au Québec.
Il faut voir dans ces succès
le fruit de la persévérance d’un ancien, Ulysse
Richaud, né en 1903. Berger transhumant, gentilhomme de coeur et
de l’esprit, plein de passion pour la vallée de Quint que
célèbrent ses poèmes, il a conduit de patientes
recherches, appelé de tous ses voeux ce retour aux racines
communes et suscité beaucoup d’enthousiasme.
Michel Wullschleger
=:-)