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Côtes d'Europe vues du ciel
Epopée Baltique
Rejoindre la ville de Hambourg, en Allemagne, depuis le nord des Etats Baltes.
C'est une vraie aventure, le long du littoral sud de la mer Baltique…
Une aventure qui commence à Tallinn, la capitale de l'Estonie.
Un grand périple, sur la
trace de la ligue hanséatique, cette association de
commerçants du moyen âge.
Qu'allions nous retrouver de cette époque ?
Et puis comment l'histoire
récente avait pu marquer le paysage de ces pays baltes, dont les
trois premiers - L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie - avaient acquis
leur indépendance il y a une quinzaine d'années à
peine ?
Aujourd'hui, la Baltique est une des mers les plus polluées au monde, quasiment morte.
A cause d'un très faible renouvellement des eaux.
A cause surtout d'une pollution massive de l'industrie lourde, aux infrastructures datant de l'époque soviétique.
Mais l'histoire des états baltes, c'est l'histoire d'états jeunes.
Prêts à changer très vite.
Radicalement.
C'est justement le dynamisme de ces pays qui laisse entrevoir des solutions d'avenir.
Aéroport de Brooma - Stockholm - Lundi 24 Juillet 2006 - 14 h
Bien arrivés en Suède hier soir, sous un orage copieux. C'est la météo normale ici.
La température est de 25 degrés, c'est cool. Ca change de Paris…
Deuxième session de
tournage, (après le littoral atlantique de la France, où
j'étais avec "Christopher", le pilote du SAF, et
Christian).
Pour la Baltique, nous travaillons avec Osterman Hélicopter.
Ici, çà ne rigole pas, c'est la suède. On a les flotteurs, les gilets, et un canot pneumatique !
Pour le moment, on finit d'installer la Cinéflex sur l'écureuil, dans le hangar de l'aéroport.
Nous avons posé un plan de
vol à 15 heures (avant les orages annoncés sur Stockholm)
en direction de Marieham, dans l'archipel d'Aland, en Finlande.
Là bas, le temps est brumeux cette après midi, mais
çà devrait passer. Et l'idée est de dormir
là bas, pour avoir la sécurité du créneau
météo du petit matin.
Demain, Turku, soir Helsinki, et puis après… l'aventure !
C'est ce que dit Karl, le pilote. Ils ne connaissent pas en fait, les hélico "occidentaux" ne volant jamais sur la zone.
Estonie, Lettonie, Lithuanie…
Au niveau de l'enclave russe de
Kaliningrad, nous n'avons pas le droit de survol, sans parler de
tournage. Deux options : contourner par la mer, ou contourner par la
terre. On prendra la deuxième option (l'hélico a des
flotteurs, mais quand même…).
Mais tout cela se négociera avec les autorités de Klaipeda, une fois là bas.
Puis la Pologne. Gdansk, le parc National de Slowinski, l'île de Wolin.
Enfin l'Allemagne. Rugen, Prora, Lübeck, et Hambourg.
Sur la question d'Hambourg, on peut
voler à 1500 pieds, soit environ 500 mètres d'altitude.
Pas possible de descendre plus bas. Je pense que ça ira pour les
images. De toute façon, il faut faire avec. C'est sûr
qu'on n'aura pas le plan de la serveuse de bière dans le bar
branché du quartier des entrepôts de Speicherstadt…
Pas de lézard.
Ensuite, on remontera à
Stockholm (plus de 1000 kilomètres…) en survolant (si on
a encore de l'argent pour payer le kéro…) l'île
d'Helgoland, et le plus grand parc éolien d'Europe,
installé au large des côtes du Danemark.
Archipel d'Aland - Lundi 24 Juillet 2006 - 21h00 TU
Il y a eu un moment assez étrange, au large de la Suède.
Le temps a marqué une pause,
tout simplement parce que nous volons sous un système nuageux
complexe. Au dessus de nous, les stratus zébrent le ciel,
puis quelques cumulus, et puis nous, petit hélicoptère
naviguant au dessus de quelques bancs de brume.
Devant nous, le ciel et le mer se
confondent, dans un dégradé de gris, et la mer Baltique
toute ridée par le vent sud ouest.
Puis, au loin, le mince trait de terre à l'horizon, qui se rapproche doucement.
On a un peu serré les fesses. Karl avoue qu'il préfère voler sur la terre…
Il est sympa ce Karl. Totalement
bilingue. Bon pilote. Spécialisé dans le levage, sur la
côte ouest et au nord de la Suède, ce voyage est une
aventure pour lui. C'est marrant.
Cette terre qui se rapproche, c'est
Aland, un archipel de Finlande, au large de Turku. Ici, en hiver, on
passe d'une île à l'autre en patins. On fait même
des randonnées en patins à glace, sur plusieurs jours,
avec petit sac à dos et bâtons de ski. Les ferries sont
remplacés par des routes, tracées sur la glace.
Pour l'instant, c'est l'été. Nous sommes à Marieham.
Dominant la ville, les quatre
mâts du Pommern, navire coque en acier, au gréement
classique, magnifique, amarré devant la ville.
La température est de 25 degrés, la lumière est au top.
Nous survolons l'archipel aux maisons en bois rouges, et leurs pontons auxquels sont amarrés les petits bateaux.
Kayaks de mer, monocoques, vieux gréements, tout le monde navigue, profitant de cet soleil estival.
Au fond d'un fjord, il y a ces jeunes, qui font les malins sur leurs hors bord, à moitiés à poil.
Et puis ces petites cabanes en
bois, avec le spa au milieu de la forêt… 20 dieux…
On se poserait bien partager quelques bulles !
Marieham. Tous les rockers de
l'archipel se sont donnés rendez vous : la ville accueille un
festival de rock. D'ailleurs tous les hôtels sont pleins. Pas de
tente, alors on finit au sous sol d'un hôtel. Les chambres sont
des salles de conférence découpées par des
cloisons mobiles. On se dirait dans un camp de fortune
installé après une grosse chute de neige sur l'autoroute,
c'est drôle.
Demain Helsinki.
Ils annoncent une brume matinale,
qui, au moment où elle se dissipera, devrait dévoiler la
suite du parcours : un chapelet d'îlots innombrables, à
l'approche de Turku.
Helsinki - Mardi 25 Juillet 2006 - 19h00 TU.
En fait, il a fait beau toute la nuit.
Vers quatre heures du matin, quand
je suis sorti faire un petit tour, pour lutter contre une insomnie
étrange (est ce l'énorme pizza d'hier soir !??), j'ai
croisé les survivants du festival rock d'hier soir. Des
gens traînaient encore sur le port de Marieham… le long de
la marina.
Il y avait cette étrange lumière australe. Cette aube permanente.
Deux énormes ferries, qui font la liaison entre Stockholm et Helsinki ont fait escale au milieu de la nuit.
Ce matin, ce qui était
espéré (prévu !?) est arrivé. La brume
s'est dissipée. Quelques lambeaux traînent encore sur
l'archipel.
En fait, ce sont des milliers d'îles et d'îlots, à perte de vue, entre Aland et la côte.
De temps en temps des petites cabanes en bois, avec le ponton et le bateau.
Anciens villages de pêcheurs,
qui vivaient en autarcie, et qui se transforment maintenant de plus en
plus en résidences secondaires.
On a envie de se poser partout.
Ou alors de revenir se balader ici en kayak de mer, ça doit vraiment être un spot !!!!
Les yeux sur le kéro et sur la montre, cap sur le continent.
En vue de Naantali sur la
côte ouest de la Finlande, un château émerge de la
forêt, et son petit jardin à la française. Le
manoir de Kultaranta.
C'est la résidence
d'été du président de Finlande. Tiens, il y a le
drapeau, il doit être là…
Nous en faisons deux fois le tour, puis filons à Turku, à l'embouchure de la rivière Aura.
Nous remontons la rivière,
qui traverse la ville. Bateaux amarrés le long des quais
où déambulent les finlandais en vacances.
Quand nous posons à
l'aéroport, il y a une petite note qui nous attend : nous avons
bien sûr été repérés par les services
du président, qui veulent savoir ce que nos fabriquons à
voler si bas… Simple demande d'information. Nous
remplissons le formulaire, et filons en ville casser une
croûte. Retrouvons les "euros", et découvrons une
ville qui commence à sentir la Russie, avec ses immeubles
de l'époque des tsars. En fait un drôle de mix entre
design moderne et réminiscences d'une époque
passée. Dans cette petite ville de la côte ouest du pays,
s'est établie par exemple la fine fleur de la musique
électronique finlandaise.
En milieu d'après midi, nous survolons Hangko, ancienne station thermale, à la pointe d'une presqu'île.
Nous zigzaguons entre les zones interdites de survol (zones militaires). Ca fait un bon entraînement pour la suite.
Anciens établissements
thermaux, nichés dans la forêt. Plages orientées
sud. Tourniquet marin, avec des mômes qui se lâchent
dans l'eau.
Puis de nouveau un immense chapelet d'îlots jusqu'à la capitale.
Helsinki.
Quelques nuages formés par
les thermiques jettent des zones d'ombre sur la ville et le port. Puis,
de temps en temps, quelques trouées de soleil qui
éclaboussent les façades.
Magnifique trafic de ferries, dans
le port, avec en fond d'image la cathédrale
évangélique luthérienne, qui domine le bassin.
Très beaux plans de la ville, du port, et enfin de la forteresse de Suomenlinna.
Le tournage Finlande s'arrêtera là, on n'ira pas plus à l'est.
Le mécano de la petite
entreprise d'hélicoptère qui nous accueille gentiment
nous transporte à l'hôtel dans son cabriolet Chrysler "Le
Baron". Karl a remis ses lunettes de kakou (ça s'écrit
comme çà ?), et Christian est déjà/de
nouveau au téléphone… Hum…
Arrivée à l'hôtel Anna, en plein "zentrum".
Si le tournage France Atlantique
avait été une sorte d'"Oyster Contest" (concours
d'huîtres pour les francophones, avec comparatifs à la
clé - élu N°1 : Restaurant de la mer, sur le port de
Brest), ce voyage-ci s'apparente à un classement de
l'hôtel le plus pourri. La salle de bain fait 1,12
mètres carrés, le lit mesure 76 cms de large, j'ai les
pieds dans le radiateur. Faut dire que la Finlande, c'est hors de
prix. Ce soir, on a mangé à trois pour 123 € (!)
dans le restau le plus "loose" de la capitale.
Demain on traverse sur Tallinn, en
Estonie. Ils annoncent une bonne météo
aussi. On va gagner une journée sur le planning, et se
poser à Riga demain soir, si tout va bien.
Karl rentrera pour la
première fois de sa vie dans les pays de l'ancien bloc de
l'Est. On va fêter ça… Sauna ? Vodka
? Les deux ?
Les deux baroudeurs qui
l'accompagnent l'abreuvent d'histoires toutes aussi incroyables les
unes que les autres, pour le faire saliver.
Vous savez ce que c'est : trois cow-boys qui voyagent ensemble, ça raconte des histoires de cow-boy.
Non, en fait, c'est pas vrai, on
parle politique et philosophie à longueur de temps. C'est vrai,
ce soir on a parlé du référendum européen !
Incorrigibles, ces français !!
Allez, à bientôt.
Faites vous pas mal, moi c'est
déjà fait : la canicule de la semaine dernière en
montage m'a obligé à surélever
légèrement mon ordinateur pour éviter la
surchauffe du processeur, adoptant une mauvaise posture
générale; et à force de clicker avec le trackpad,
j'ai une sorte de tendinite au niveau du coude droit qui me fait faire
une légère grimace quand je descends mon sac de
l'hélico pour le traîner (j'exagère, il a des
roulettes…) jusqu'aux taxis.
On n'a pas des vies faciles…

Helsinki - Mercredi 26 Juillet - 7h00 TU
Tempête de ciel bleu ce matin sur Helksinki.
On poireaute en attendant les
douanes, qui viennent vérifier la cargaison (c'est bien notre
genre à trimballer de la schnouffe dans les flotteurs !), et les
passagers.
Dix heures. Nous quittons l'Europe.
Traversée vers l'Estonie, au dessus de la Baltique. Gros trafic de ferries.
On rogne un peu une zone interdite en s'éloignant au large.
Mais à partir de maintenant,
il faut moins rigoler : Karl dit qu'ils tirent à vue
sur les appareils non identifiés. C'est marrant. Karl est
un peu fébrile, genre "first contact", à peu près
comme si on débarquait chez les papous.
A l'approche de l'aéroport
de Tallinn, immense zone d'immeubles à l'architecture
staliniennne. Feux de forêts au loin. Ils s'affairent
sur le tarmac, pour préparer les sacs d'eau qui seront
héliportés sur la zone.
Nous déposons un plan de vol
pour Parnu. On doit quitter l'Estonie par le sud, après avoir
survolé l'île de Kihnu.
De là, nous repartirons vers Riga, en passant sur l'île de Kihnu, dans le golfe de Livonie.
Pour l'instant nous avons redécollé et survolons Tallinn.
Vieille ville aux toits de tuile et
clochers à bulbes, et de l'autre côté une ville
ultra moderne, avec la course aux buildings.
Mais dès qu'on quitte la
ville, la côte est très sauvage. A l'exception des
anciennes installations militaires délabrées, de quelques
villages de pêcheurs, et de quelques datchas en fuste construites
par les nouveaux riches, (Ceux qui ont profité des
subventions européennes - ça rejoint la discussion d'hier
soir sur le référendum, vous suivez ?) il n'y a
rien. Immenses étendues de forêts, steppes.
Une heure et demie de vol entre la
côte et les îles, et nous arrivons en rase motte
à Parnu, petite cité balnéaire.
Refueling à l'aéroport.
Vieux tarmac craquelé,
hangars en béton camouflés sous la terre. Ancienne
grosse base militaire, avec, du temps de la guerre froide, deux avions
de chasse armés en stand by 24 h sur 24, avec rotation de pilote
dans le cockpit, prêts à décoller ! Et,
cachée dans la forêt juste à côté, une
batterie de missiles pointés sur l'occident.
Aujourd'hui, tout le monde est
à poil dans l'eau. La canicule est apparemment exceptionnelle
pour la région (28 degrés seulement). La plage est
bondée. Le week end dernier, il y avait 25000 personnes sur la
plage !!! Venus de tout le pays, et aussi de Léningrad, d'autres
villes de Russie, et même de Finlande (un coup de ferry, et plouf
!). Le douanier se plaint de la chaleur, et aussi de la
sécheresse.
On attend la procédure douanière, et on file à Riga.
La partie la plus délicate,
en terme d'autorisations aéronautiques, commence. Si depuis
Tallinn, nous étions suivis au radar, nous avions quand
même une certaine liberté (en contournant les zones
militaires interdites). Maintenant, cela semble une autre histoire
: le plan de vol est déposé, pour un vol à
2000 pieds (600 mètres !), ce qui est bien sûr beaucoup
trop haut, et en ligne directe sur Riga !!!
Nous sommes repartis de Parnu vers Riga, à 2000 pieds, donc…
Long ruban de sable, une sorte de
plage infinie pendant 45 minutes de vol. Une plage déserte,
à part trois petites villes, coincées entre la
forêt et la mer.
Suivis au radar à l'approche
de l'aéroport, nous sommes pris en charge à la radio, qui
nous guide au degré près pour venir s'approcher des
installations de l'aéroport de Riga. Malgré tout
nous profitons de la belle lumière pour "voler" des plans de la
ville en s'approchant de l'aéroport.
Karl est speed depuis qu'il a
quitté son pays. Il tourne comme une hélice dans
l'aéroport, pour trouver de quoi payer le kéro avec sa
carte bleue de la société. Bien sûr le
moustachu qui lui avait demandé s'il payait en liquide a fait
une drôle de grimace quand il lui a répondu par la
négative.
300 litres sous la chapka,
ça aurait arrangé ses affaires… Un peu de beurre
dans les cornichons bouillis. D'ailleurs c'est ce qui se passe. Karl
est obligé d'aller retirer du liquide à la banque pour
payer le carburant.
Ce soir Riga, la ville de l'art nouveau.
Oui c'est vrai, le "zentrum" est une vraie carte postale.
Mais Riga c'est aussi, et surtout,
l'Est post moderne, dans une sorte de caricature exemplaire. Le
téléscopage des vestiges de la guerre froide, avec ce que
l'ouest peut exporter de pire. Une série de couches
successives, empilées sur un patrimoine architectural
magnifique. L'Est avec un grand "E", comme on l'aime.
Quelques flashes d'un inventaire à la Prévert (pardonnez l'affront, il est tard) :
Grand mères obèses en fichu qui croisent des ados "en nombril", minijupes et talons aiguilles.
Immeubles décrépis,
rangées de baraques en brique sales, surmontées de
publicités pour compagnies de téléphonie mobiles.
Zones urbaines improbables.
Tuyaux géants dressés vers le ciel.
Béton désarmé.
Poussière à contre jour.
Et, au milieu de tout cela,
quelques grosses mercedes aux vitres teintées qui doublent en
empruntant les couloirs du tramway.
Welcome to Mafia Land !
Aujourd'hui Riga est la ville la
plus chaude des pays baltes, les suédois et autres russes venant
y retrouver "la liberté perdue" (ça veut dire tourisme
sexuel en fait). On croise ainsi par exemple des finlandais en
goguette, qui viennent perdre quelques jours de salaire dans les
strings des filles des boîtes de lap dancing. Toute une faune
à 2 grammes d'alcool dans le sang, qui titube à minuit
dans les rues pavées du centre ancien, bousculant touristes
japonais, sdf natifs, et euro-mamies à la retraite cramant la
carte SD de leur appareil photo numérique en photographiant, la
tête en l'air à s'en faire un torticoli, les magnifiques
toits des églises à bulbe éclairés par la
lumière crépusculaire d'une nuit qui n'en finit pas de
tomber.
Quant à nous, après
un steak au poivre sur une table bancale, et quarante cinq minutes
à tenter de guider le taxi déglingue (j'aurais
dû prendre mon GPS !) nous avons fini par retrouver
l'hôtel, notre fameuse datcha en banlieue (!), Mais
attention, ici c'est une datcha high tech. Avec le wifi gratos,
qui permet à votre serviteur de continuer à vous envoyer
ses chroniques subjectives.
Demain est un autre jour.
Ventspils, Liepaja, et avec un peu
de chance Klaipeda : la Lituanie, si on reçoit le dernier
papier d'autorisation manquant à liste.

Klaipeda - Jeudi 27 Juillet 2006 - 21h00 TU
Décollage de Riga un peu tard ce matin.
L'aéroport est gros, alors c'est parfois plus dur de passer à travers les barrières administratives.
Plan de vol pour Ventspils et Liepaja.
Quelques nuages ce matin sur Jurmala, la station balnéaire de Riga.
Ici, du temps de l'Union Soviétique, on venait faire des soins dans les sources sulfureuses.
En quittant Jurmala, la côte
lettone est une seule plage, déserte, sur des centaines de
kilomètres. Un long ruban de sable, parfois interrompu par
l'embouchure d'une petite rivière. De temps en temps,
d'énormes hôtels abandonnés, en construction, au
milieu de la forêt. Carcasses géantes de béton et
de briques, envahies par la végétation.
L'air est pur, aucune poussière. La visibilité est excellente, au moins à 200 kilomètres ! Etonnant.
Immenses étendues de forêts.
Marécages géants.
Petits ports de pêche.
Scieries, avec d'énormes tas de bois.
Grosse activité industrielle à Ventspils, le plus grand port commercial de Lettonie.
La suède, par exemple, dans
sa politique de dénucléarisation pour raisons
environnementales, importe de plus en plus de charbon en provenance de
ces pays là. Alors que c'est une catastrophe au niveau de
l'effet de serre, mais bon…
Reste que c'est une aubaine pour
ces petits pays, qui ont de grosses infrastructures portuaires datant
de l'époque de l'ancien bloc de l'est.
Bien sûr, cet argent profite
aux nouveaux riches, permet l'émergence des classes moyennes,
paupérise une autre partie de la population, et attire les
convoitises des mafia locales.
Finalement, break à Ventspils, pour attendre les autorisations pour la Lituanie.
Le tarmac de l'aéroport est
pourri, mais le terminal est flambant neuf, payé par l'argent
local. Ils attendent les fonds européens pour mettre la piste
aux normes internationales. Taxi pour le centre ville où
nous dénichons un petit restaurant nickel dans le sous sol d'un
château du 12ème, juste en face du port, des docks, des
grues qui brassent des tonnes de charbon, dans le vacarme des wagons de
la voie ferrée.
Nous sommes repartis le long de la côte, à la belle lumière.
Liepaja, autre ville industrielle
de la côte. Un condensé - résumé des
différentes époques de l'établissement de cette
cité portuaire. Une vraie leçon de géographie et
d'histoire.
Quelques kilomètres de plage plus loin, nous entrons en Lituanie.
Première grosse ville
: Klaïpeda (anciennement Mémel),
à l'embouchure du Niémen.
Allez, une fois n'est pas coutume, un petit copié-collé sur l'historique de la ville (merci Gaëlle !) :
-----
Memel est fondée en 1252 par
les Chevaliers Teutoniques. En 1525, la ville adhère à la
Réforme. Le siècle suivant sera pour la ville une
période de prospérité, interrompue par la Guerre
de Trente Ans et les attaques suédoises entre 1629 et 1635. De
1525 à 1919, Memel fera partie de la Prusse, à part
quelques années d'occupation par la Suède et la Russie.
Le Territoire de Memel :
L'article 99 du traité de
Versailles prévoyait que la ville, de population allemande mais
débouché indispensable à la Lituanie, devait
devenir un territoire autonome, sous protectorat français.
Le 15 janvier 1923, l'armée
française abandonne la ville devant une attaque de
l'armée lituanienne, appelée à la rescousse par
les Lituaniens de Memel, qui craignaient l'évolution du
territoire vers un État libre comme à Dantzig (Gdańsk).
Memel est annexée à la Lituanie, avec l'aval
résigné de la Conférence des ambassadeurs le 16
février 1923.
Le 19 octobre 1925, les
premières élections dans le territoire autonome voient la
victoire des partis autonomistes germanophiles qui décrochent 24
des 29 sièges. Même pendant la dictature en Lituanie
(à partir de 1926), des élections se tiendront à
Memel, notamment en 1932 et 1935, avec toujours le même
résultat pour ces partis, parmi lesquels des communistes
allemands (3 sièges en 1932) et des sociaux-démocrates (2
sièges en 1932).
Le 11 décembre 1938, la liste unique allemande, pro-nazie, obtient 87,2% des voix aux élections territoriales.
Le 22 mars 1939 la ville est
annexée par le troisième Reich : après un
ultimatum allemand, le gouvernement lituanien est forcé de
signer un traité restituant Memel à l'Allemagne.
Prise en 1945 par l'armée
rouge, les habitants qui n'ont pas fuit la ville sont massacrés.
La ville est intégrée à la République
Soviétique de Lituanie sous le nom de Klaipėda.
-----
Aujourd'hui, Klaïpeda est un
grand port de commerce. Nous filmons le port, l'ancienne base sous
marine allemande, et une incroyable église perdue au milieu
d'une forêt d'immeubles rouges. Nous descendons au dessous de la
limite autorisée, mais en restant au dessus du fleuve, pour
espérer se rapprocher un peu plus du centre. Pas simple…
Pour la nuit, nous sommes
obligés de remonter un peu au nord, car l'aéroport de
Klaïpeda est fermé l'après midi (!).
Nous posons à
Palanga. Collection de véhicules de pompiers sur le tarmac.
Une sorte de musée. C'est clair que si tu prends feu, il vaut
mieux charrier son extincteur…
Il y a un rally automobile à
Palanga ce soir, alors tous les hôtels sont pleins. Je propose
d'aller au camping, ou d'aller loger chez l'habitante, mais Karl est en
surchauffe. Finalement les seules chambres disponibles sont au
Radisson, à Klaïpeda (30 minutes de route au sud !). Karl
retrouve avec joie le standard international. Une douche plus tard,
c'est un autre homme, la pression est descendue. S'ensuit une longue
discussion à table sur l'uniformisation des goûts, autour
d'un verre de rouge, et d'un morceau de sanglier.

Vendredi 28 Juillet 2006 - Palanga Airport - 9h00 TU
Cirrus en haute altitude,
chassés par un léger vent de sud ouest… C'est
l'arrivée de la perturbation, repérée sur le site
de Météo France ce matin, en profitant du wifi gratos de
l'hôtel.
Tassés dans le taxi, en route pour Palanga.
"You're doing bizness ?
- Yes good bizness…
- How long in Litunia ?
- One day, only.
- Hou ! great bizness, very quick !"
Lisez ça : le chauffeur de
taxi lituanien est allé acheté son chien japonais en
Pologne, car il coûte 500 € au lieu de 1000 € à
Londres. Bon. Oui, ok, super.
Dans son mauvais anglais, il
raconte sa vie à Karl, qu'on a poussé à l'avant.
Vieille technique, qui permet de rester un peu à l'écart.
Je souris de ces moments là.
Palanga Airport.
Nous sommes en train de déposer un plan de vol pour la suite du parcours.
Nous allons à Gdansk, mais
il nous faut contourner l'enclave russe de Kaliningrad, pour laquelle
nous n'avons pas les autorisations.
Les autorités militaires
russes nous éloignent de la côte. Contourner par le
mer nous oblige à voler au dessus de la Baltique pendant une
heure.
Karl n'est pas très chaud. Moi non plus en fait… Christian non plus d'ailleurs.
Longue discussion avec le mec
chargé du briefing, devant les cartes aéronautiques, et
ma bonne vieille carte IGN des états baltes (la seule à
résumer tout le secteur). Finalement, nous optons pour un
contournement par l'Est. Deux heures de vol au dessus de la Lituanie et
de la Pologne. Deux heures de vol à la rencontre du mauvais
temps ?
-----
On a survolé la Lituanie
vers l'est, puis obliqué sud, pour contourner l'espace
aérien russe, interdit de survol.
Un fort vent de face ne nous a pas permis d'aller jusqu'à Gdansk.
A 10% de kéro, on s'est
posé. Là, je vous envoie le mail depuis le petit
aérodrôme d'Oyzctyn (ou un truc comme çà).
Un ancien aérodrôme militaire, occupé par un club
de planeurs qui décolle au treuil.
Va falloir trouver le responsable du kéro. On est tankés dans le fin fond de la Pologne.
Enfin un peu d'action…
Là, j'ai qu'une envie, aller
bouffer des saucisses aux lentilles à l'aéroclub, mais
y'a personne à la cafétéria…
Petit problème de mathématique :
Quel est le pourcentage de chances
que nous avons d'arriver à Gdansk ce soir, ou de rester
tanké là, en sachant que :
- L'aérodrôme est en
travaux, et le mec de la tour de contrôle de Gdansk
n'était pas au courant. Donc, en fait, pas de kéro.
- Ou plutôt si, il y a en a
10000 litres dans un camion citerne garé à 20
mètres de notre engin, surveillé par caméra, pour
éviter le détournement des stocks. Même la dame de
l'aéroport n'a pas la maîtrise du stock, exclusivement
dédié. 10000 litres, alors qu'il nous en faudrait
150… (ça, c'est un peu énervant).
- Nous venons de trouver du
kéro dans un hôtel luxueux avec héliport,
situé à une demie heure de vol, mais dans l'autre sens.
- Si nous rebroussons chemin, nous aurons cette fois ci le vent dans le dos…
- Il nous reste 80 litres, donc 40 minutes de vol.
- Le stock de kéro est surveillé par caméra.
- En faisant mine de regarder les
planeurs, nous venons de racheter 50 litres, ce qui nous permet
d'arriver "en bonne santé", comme dit Karl, à ce fameux
hôtel.
- Les policiers ont
débarqué pour nous surveiller, le temps que les services
de la douane arrivent. Cela devrait mettre environ 3 heures.
- A l'hôtel, qui est archi booké (pas de chambres dispo, il faudra donc repartir)
- Ah oui, j'oubliais…on peut avoir du kéro jusqu'à 18 heures max.
Il est 16h45, je veux la réponse dans 15 minutes max.
Alors ?
Qui a trouvé la solution ?
C'est simple ! Tout dépend en fait de l'heure d'arrivée des douanes, et là, personne n'a l'info.
Moralité des courses, on
s'écroule dans les canapés de la salle pilote, en
écoutant au loin le murmure des policiers polonais.
Pas grave, les stagiaires de l'aéroclub sont d'accord pour aller nous rapporter des pizzas de la ville voisine.
Dénouement : les douanes sont arrivées à temps.
On est repartis dans l'autre sens.
Avons acheté le kéro, en faisant une fausse facture dans le hangar d'un complexe touristique.
Foncé vers Gdansk, dans la lumière qui tombe, et les prévisions météo pas bonnes pour demain.
Posés au "Lech Walesa Airport", bien assez tard.
Roulé à tombeau ouvert vers le centre, dans un taxi déglingue, glacé par la clim.
Booké trois chambres au
Mercure du coin, seul hotel dispo, envahi par des cars d'italiens en
vacances, venus voir le festival mondial des carillons.
Mangé encore un sanglier dans un restaurant traditionnel polonais.
Déambulé dans la vieille ville de Gdansk, magnifique.
Pas trouvé le plombier… (polonais !)
Il est tard, je me couche.
Szczecin - Samedi 29 Juillet - 21h00 TU
Vers 9h00, nous filmons Gdansk.
A l'embouchure de la Vistule. Le
point stratégique de la Pologne. Ici l'Europe bascula dans
la deuxième guerre mondiale, lorsque l'Allemagne décida
de s'attaquer à Dantzig en septembre 1939. Le chantier
naval " LENINE " est le berceau de la Pologne moderne, car il a mit un
terme à presque un demi-siècle de communisme
soviétique. Un monument est dédié aux ouvriers
morts. Les grèves successives et les affrontements violents ont
abouti à la création du premier syndicat
indépendant du bloc soviétique.
Nous approchons du centre ville, en descendant en dessous de la limitation des 1500 pieds.
Le temps est couvert, ce qui n'est pas forcément mauvais pour les images. Il faut juste qu'il ne pleuve pas.
Nous voici sur le centre.
Façades magnifiques du vieux Gdansk.
Un peu au nord, vers le port, sur
une place, à côté d'une tour d'immeuble, le
monument dédié à Solidarnosk.
Juste à côté, les fameux "chantiers Lénine".
Des ouvriers s'affairent sur la tour d'un immense cargo. On soude, on fraise, on ponce, on disque.
De chaque côté, des bateaux rouillés, amarrés le long des jetées. Immenses grues.
Nous avons la limitation de vol à 1000 pieds…
Toujours cette histoire d'essayer de s'approcher un peu plus au dessus des villes… Pas facile.
Un premier passage permet d'assurer, et de juger immédiatement des plans possibles.
Puis l'idée est de fixer
trois ou quatre plans à tourner, et d'arriver à les
faire. Puis ensuite, garder le cap précis, la bonne vitesse, la
bonne altitude. Prévenir en temps réel.
Anticiper les mouvements de
l'hélico, en fonction des paramètres de vol
(possibilités de l'engin, etc…).
Anticiper ce qu'il est possible de faire au niveau de la caméra, juger très vite l'image qui "rendra" le plus.
A la caméra, Christian doit gérer une petite dizaine de paramètres.
C'est un vrai travail d'équipe.
Un travail très précis, un compromis permanent, des décisions très rapides.
Il faut à la fois être très réactif, et anticiper, le tout en communiquant.
Sinon on grille vite des minutes pour aboutir à un résultat moyen, qui ne satisfait pas grand monde finalement.
Encore un virage à gauche,
légèrement glissé, pour garder le gros plan sur
les ouvriers qui travaillent, avec une immense grue qui passe au
premier plan.
Magnifique…
Un voyant vient de s'allumer sur l'hélico !
Karl dit que le
générateur a un problème. Le
générateur, c'est un peu l'alternateur dans une
voiture…
Il ne fonctionne plus comme il faut. La batterie commence à se vider.
Karl surveille donc au plus près l'affaire (!), nous finissons le plan, et rentrons fissa à l'aéroport.
Cà y est, on est posés.
Ouf…
En fait, on s'aperçoit que
le générateur ne recharge plus la batterie. Impossible de
continuer. Karl pense qu'il faut faire venir un mécanicien
de Suède (il arriverait demain, avec un nouveau
générateur). Après examen, nous pensons qu'il
s'agit peut être d'un problème de faux contacts, ou de
fusibles.
Christian (électricien de
formation !) et Karl font le tour des possibilités
possibles. En fait, une cosse est cassée, celle qui
indique au générateur à partir de quel moment il
doit se remettre en position générateur, après la
phase "starter". C'est à dire qu'il est bloqué en
position starter.
Il est samedi. Tout est fermé ou presque dans cette partie de l'aéroport.
Christian brasse dans l'atelier électrique, pour chercher la pièce manquante.
La pluie tombe maintenant sur le
tarmac. Je me suis réfugié dans la salle briefing de
l'aéroport Lech Walesa, avec canapés en mousse, tables
vernies. Les ennuis n'arrivent jamais seuls. Je songe
à cela.
Je songe à ce moment où tout commence à basculer.
La "loi de l'emmerdement maximum"
(par exemple quand on est à la bourre le matin : on tire trop
fort sur les lacets, et ils cassent). Certains s'engouffrent dans ces
situations, on dirait même qu'ils les provoquent. Je les sens
arriver à des années lumières, et je passe parfois
beaucoup de temps à anticiper, à les éviter.
Je songe à ce point de
bascule, qu'il ne faut bien sûr jamais dépasser beaucoup
dans le cas d'un vol hélico.
Il m'est arrivé de le voir s'approcher dangereusement par le passé. Je m'en méfie comme de la peste.
16 heures.
Nous avons perdu quasiment une demi
journée avec cette histoire de générateur, mais
cela aurait pu être pire. Finalement, nous avons
redécollé.
Direction : le château
de Malbork, immense monastère du 13ème siècle,
construit sous l'ordre des chevaliers teutoniques.
Question : qu'est ce qui a 40
millions d'années, qui brûle, qui flotte, et rapporte plus
de capitaux à Gdansk que son chantier naval ?
Réponse : l'ambre de la
Baltique. C'est la résine fossilisée d'une
variété de pin maintenant disparu. En plus de sa
beauté, lorsqu'il est poli, l'ambre dévoile certains
secrets de la vie de la préhistoire, insectes, plantes, et gazs
enfermés dans chaque pierre sont parfaitement conservés
et fournissent aux scientifiques de précieuses informations.
Entre deux averses, nous approchons
du château, construit sur les rives d'un fleuve. Aujourd'hui
le château abrite la plus grande exposition d'ambre au monde,
visitée par de nombreux touristes. Nous filmons l'immense
batisse.
Retour à Gdansk, où
nous nous posons à nouveau, pour faire du kéro, et
déposer un nouveau plan de vol.
17 heures. C'est reparti.
Nous évitons d'immenses zones de rideaux de pluie.
A l'intérieur des terres, il
y a plusieurs aéroports militaires désaffectés.
Ceux qui apparaissent sur les cartes aéronautiques.
En fait, ces zones interdites sont souvent inactives.
Karl voulait tirer tout droit vers Szczecin, car il fait gris partout.
J'insiste pour rejoindre la côte.
19 heures. La trouée
annoncée sur le site de Météo France, à
l'heure précise, est à l'endroit précis !
Nous filmons deux petits villages
de la côte polonaise, éclairés par la
lumière magnifique de la fin de journée, et deux bateaux
de viking, qui embarquent les touristes polonais faire une virée
au large, avant de s'encanailler dans les discos des campings.
Avec le réchauffement
climatique, les polonais sont contents : plus besoin de charger la
vieille Mercedes et filer en Espagne. Il suffit d'aller au bord de la
Baltique. De grandes plages désertes les
attendent. Reste à tester la qualité de l'eau,
polluée par les rejets industriels des grands complexes
industriels que nous survolons depuis quatre jours… Sans compter
les embouchures des fleuves, qui drainent les eaux de
l'intérieur, chargées des produits d'épandange de
l'agriculture céréalière polonaise et russe !
Aéroport de Szczecin.
Pas loin de la frontière allemande.
Nous posons à 20 heures…
Le chauffeur de taxi est un ancien
pilote de Mig 21, dans l'armée polonaise, qui écoute
Simon & Garfunkel à fond sur l'autoradio, dans sa mercedes
mazout qui affiche 400 000 kms au compteur.
Nous empruntons l'autoroute en béton construite sous Hitler il y a 70 ans.
Presque 50 kilomètres pour rejoindre la ville.
Franchissons l'Oder pour s'écrouler à l'hôtel.

Dimanche 30 Juillet
Aéroport de Szczecin. 9 heures.
Nous sommes en train de remplir les plans de vol, et les formalités de douane.
Karl est en sueur. Toujours inquiet sur l'histoire des procédures. Il voudrait filer jusqu'à Rostok directement.
En étudiant les cartes
aéronautiques, je trouve un petit aéroport, juste de
l'autre côté de la frontière. Il doit bien y avoir
moyen de régler les histoires de douanes en évitant deux
heures de vol supplémentaires, comme dit Karl. La femme qui
travaille dans la salle d'opération accepte de passer un petit
coup de fil au service des douanes allemandes, qui lui confirme qu'il
est possible…
Nous voici donc avec un plan de vol plus raisonnable.
Je sens que Karl va être content de quitter "l'Est".
Là, il est parti acheter de
l'alcool au Duty Free. C'est drôle. Trois bouteilles, qui sont
à moitié prix de la Suède, mais bon…
Tous les jours nous nous rendons compte un peu plus que nous avons des manières différentes de voyager.
J'aime le dépaysement, et
à la limite, plus il y a de surprises, mieux c'est. J'aime
traverser une ville, un pays, ne pas savoir toujours ce qui va se
passer dans les heures qui viennent. Une sorte de curiosité
permanente. En même temps anticiper, justement pour se
laisser, une fois sur place, la liberté. Ne pas prendre de
front les soucis, les questions. Surtout considérer tout ce
qui arrive comme glissant tout seul.
Karl, lui, préfère les repères, la sécurité.
C'est quelqu'un de très
sympa, on rigole beaucoup, mais le voyage le stresse en fait.
Dès qu'il sort des clous, c'est une pression
supplémentaire. Aux hôtels "de pays", il
préfère les hôtels des chaînes
internationales, où "toutes les chambres sont les mêmes
où qu'on soit dans le monde". Son visage s'éclaire en
disant ça.
Deux manières de voyager, et
de voir le monde. Bien sûr, ce sont deux
tendances… Méfions nous des
généralités.
Nous avons décollé pour finir de filmer le littoral polonais.
Cap au nord, sur l'île de Wolin.
Contact radio avec l'Allemagne,
nous faisons maintenant route vers le petit aérodrôme de
Kirchow, juste de l'autre côté de la
frontière. Encore un ancien aérodrôme
militaire, aujourd'hui utilisé. Deux douaniers allemands
viennent à notre rencontre sur le
tarmac. Vérification des passeports, et nous sommes
"libres". Côte à côte, devant les hangars, sont
posés un vieil antonov, et un jet privé, dont descend un
homme d'affaire en vacances.
Raccourci saisissant du décalage entre la vieille allemagne de l'est, et l'allemagne de l'ouest.
Karl respire. Le voici libéré des soucis de plans de vol.
Cap vers le nord ouest, l'île de Rugen, lieu de villégiature très apprécié des allemands.
Travelling circulaire autour
du Jagdshloss Granitz, pavillon de chasse qui domine la partie sud
de l'île, émergeant au milieu de la forêt.
Puis nous plongeons vers la plage, à nouveau, pour découvrir un immeuble de…5 kilomètres de long !
Il s'agit de Prora, station
balnéaire construite à l'époque nazie. Une
structure de vacances planifiée par l'organisation Kraft durch
Freuse ("La force à travers la joie" - tout un programme !), qui
avait pour but d'occuper le temps libre du peuple par groupes de 20 000
personnes.
Plus loin, travelling "Top Gun" à l'approche d'une zone particulièrement sauvage.
Nous rasons les falaises de craie
du Parc National de Jasmund, éclatantes de blancheur au soleil.
Belvédères en bois émergeant de la forêt,
dominant la mer à plus de cents mètres d'altitude.
Le temps a l'air de tenir pour le moment, mais ils annoncent de la pluie pour la fin de journée, et pour demain.
Nous faisons du kéro
à Kart, petit aérodrôme typique de l'ancienne
Allemagne de l'Est, et repartons tout de suite.
Volons quelques minutes à côté d'un Ulm, qui se demande pourquoi on s'approche si près de lui.
Passage à Travemunde, point
de départ des ferries pour la baltique, grande plage populaire,
et ancien poste frontière. D'une rive à l'autre du canal,
à l'embouchure, on changeait de pays.
Nous posons à Lübeck,
pour refaire du kéro. Le temps est voilé depuis un
moment, et maintenant hyper orageux. Break rapide, où nous
préparons Hambourg.
Pas forcément
facile. Le survol de toutes les grandes villes européennes
est interdit, il faut négocier au coup par coup. Je
propose à Karl de remonter par le fleuve, ce qui nous permettra
d'aller rejoindre les zones du port, et de filmer le centre
ville. Avant de partir, Karl discute au téléphone
avec la tour de contrôle de l'aéroport d'Hambourg, en
expliquant le projet. Nous avons l'accord.
Encore une petite demie heure de
vol, et nous voici sur la ville. Nous sommes surveillés par
le radar de l'aéroport. Il y a pas mal de trafic
aérien. Nous rentrons dans la ville en remontant l'Elbe.
Hambourg… "La porte sur
le monde". 3,5 millions d'habitants sur un territoire urbain
très étendu (sept fois Paris). La ville en elle
même est la deuxième plus grande ville d'Allemagne.
Nous filmons
les entrepôts de Speicherstadt, un des plus grands complexes
d'entrepôts du monde. Le centre ville. Là bas,
il y a une grande fête populaire, avec une grande roue qui domine
les toits. Puis d'immenses zones de containers. Une zone
entière du port est investie par Airbus
Industrie. Activité importante sur l'eau. Nous
repartons en descendant l'Elbe, et filmant quelques gros portes
containers qui s'éloignent de la ville.
Retour sous la pluie à Lübeck.
Lundi 31 Juillet - Göteborg - 20h00 TU
Nous avons décollé ce matin, à destination de la Suède, en longeant le Danemark.
Lübeck > Göteborg, via Malmö.
Deux heures et demie de vol, entre
les rideaux de pluie. Le temps est très instable aujourd'hui.
Pas grave, le tournage est terminé !!! Quelle chance !
Arrivée en début
d'après midi à Göteborg. Deuxième ville
du pays, sur la côte ouest. Plus d'un million d'habitants.
L'écureuil B3 de la société Osterman Hélicopter vient retrouver son hangar.
Karl retrouve son pays.
A la caféteria, il
déboule, mal rasé, les bouteilles achetées en
Pologne trincaillant dans les sacs plastiques. En parlant fort, il
raconte tout de suite aux collègues ébahis "l'Est", le
contournement de l'enclave russe de Kaliningrad, les hommes en arme sur
les aéroports de Lituanie, les plans de vol, etc… Je
me régale de le voir faire.
Démontage de la caméra, du système Cinéflex.
Posés au Scandic Hôtel, au centre ville.
Les fins de tournage sont des moments tellement particuliers. Il faudrait savoir raconter cela.
Les moments où tout se vide, où une décompression totale vous tombe dessus.
Sorte de perte de vigilance.
Mélange subtil d'intense satisfaction et de regrets.
Doux laisser aller vers autre chose.
=:-)