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Habiter la terre… Indonésie

Nias

Dimanche 1 Juin


Padang > Medan

Le vieux boeing 737 de la Mandala Airlines est un peu rouillé, mais je crois que çà va encore le faire cette fois ci… Si on regarde bien, cela ne semble pas être les pièces qui sont rouillées. J'ai volé dans tellement d'avions et autres hélicoptères déglingés de par le monde que je ne m'inquiète pas trop. Il faut faire confiance aux techniciens qui assurent la maintenance. Que la peinture se décolle n'empêche pas un avion de voler correctement. D'ailleurs la très grande majorité des accidents sont des erreurs de pilotage, ou de mauvaises appréciations de conditions météo ou de vol.
Quoique qu'il en soit, les hôtesses du vol d'aujourd'hui me semblent particulièrement séduisantes, à moins que cela ne soit la longueur du voyage qui produise cet effet… Les démonstrations des consignes de sécurité sont un vrai ballet. On reprendrait bien un petit coup de gilet de sauvetage ! On se console comme on peut.

J'avais commencé à écrire : 'Une heure de vol. Escale à Medan. Juste le temps de changer d'avion." Pour prendre un peu d'avance sur ce carnet de voyage ! C'est raté. A Medan, un avion a glissé sur le côté en se posant, impossible d'atterrir. Nous faisons demi tour et nous posons à nouveau à Padang. Pour une escale prévue de deux heures. On risque de rater l'avion pour Nias.

Cà y est, c'est fait, on a raté la connexion pour Nias. Il est 16 heures, on a bientôt passé la journée à l'aéroport de Padang. Si tout va bien, on devrait voler ce soir pour Medan, et rejoindre Nias seulement demain. En fait, à Medan, l'avion endommagé a les roues bloquées sur l'unique piste d'atterrissage. Ils attendent de nouvelles roues pour dégager la piste… On a squatté le lounge VIP, j'ai débranché le panneau de pub pour recharger l'ordi, et roule ma poule ! Je rattrape le journal de bord, travaille sur le voyage américain, fais du courrier, et écris mes mémoires (sic !). Enorme orage qui s'annonce sur l'aéroport. Le pilote et l'équipage sont partis se reposer en ville selon la procédure. Moi je dis : on est pas couchés…

Finalement on aura passé plus de 7 heures dans ce salon VIP de l'aéroport de Padang… Une journée de foutue. Enfin pas tout à fait. L'équipage revient, on va décoller, c'est la ruée vers la porte d'embarquement. Vol sans histoire, au milieu des éclairs. Descente interminable sur Medan, il y a un embouteillage d'avions. Le fin mot de l'histoire : l'avion en provenance de Papouasie s'est posé sur la piste. Les freins sont restés bloqués, alors l'avion est parti en glissade sur la côté, heureusement sans sortir de la piste. Medan est l'aéroport le plus dangereux du pays. Aux normes internationales, oui, mais il est au milieu de la ville, et la piste est en mauvais état.

Medan. 4 Millions d'habitants. Le taxi est super speed, il roule à tombeau ouvert dans le flux de circulation démentielle. On jette les sacs à l'hôtel et on se faufile entre motos, triporteurs, berlines et minibus pour trouver un "seafood restaurant". Enfin un peu de répit ! Je dévore un snapper au gingembre et à l'ail, arrosé d'un jus de concombre. Gros 4 X 4, d'où débarquent des couples de nouveaux riches indonésiens. De ceux qui s'enrichissent au jeu. Medan c'est la ville du "gambling" : on parie tout et n'importe quoi. Medan c'est la ville des mélanges. Toutes les communautés d'Indonésie sont représentées ici : indonésiens, indiens, chinois, malais. Ancienne ville hollandaise, la métropole donne sur le détroit de Malacca, territoire des pirates modernes qui arraisonnent les cargaisons. La ville de la mafia locale.

On rentre à l'hôtel dans l'air épais et crasseux. Les effluves des égouts à ciel ouvert se mélangent à l'odeur des pots d'échappements libre des motos et des rangées de "Durian" des vendeurs de rue. Les lampadaires marquent des faisceaux dans l'air pollué à l'extrême, mélangé à la fumée de la forêt qui brûle, là bas, dans les montagnes. Dans la piaule, il y a bien la flèche au plafond qui indique la direction pour faire des courbettes à La Mecque dans le bon sens, mais je galère pour trouver le moyen de couper la clim.


Lundi 2 Juin

Medan > Nias

Le petit bimoteur à hélices de la Marpati Airlines a finalement décollé, avec deux heures de retard. Nous zigzaguons entre d'énormes systèmes orageux. J'aime ces petits avions. Sièges très confortables, de la place pour les jambes, et ce ronronnement qui ferait presque passer le moindre vol pour un exploit aéronautique d'une autre époque. Une heure de vol, au dessus des montagnes, puis la mer, pour rejoindre l'île de Nias, au large de la côte ouest de Sumatra. Un dernier virage au ras des cocotiers, et l'avion se pose avec la souplesse des petits bi moteurs sur le tarmac défoncé de l'aéroport de Gunung Sitoli.

Deux surfeurs qui parlent trop fort, une quinzaine d'indonésiens, et nous.
Et tout de suite un bonhomme rondouillet qui s'avance vers nous. Je lui tends la main.
"- Hello ! Selamat !
- Cà m'saoule !
- Quoi ? Cà commence bien ? Qu'est ce qu'il me dit là ?
- Samsoul, Samsaoul, Name !"
Le chauffeur de la voiture que Yon a réservé s'appelle Samsoul…

Tout de suite à la sortie de l'aéroport, la route est étroite. Nous nous sommes posés à Gunung Sitoli, et nous allons dans la région de Teluk Dalam. Il fallait quatre à cinq heures pour joindre les deux villes. On ne met plus que deux heures aujourd'hui. La route a été goudronnée l'an dernier seulement. Elle est donc en bon état. Etroite (on croise à peine, il faut faire frotter la carrosserie contre les grandes herbes du bord de route) mais bien lisse.

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Un pont métallique enjambe un fleuve à l'eau couleur café au lait. Plusieurs gamins et un adulte sont dans l'eau jusqu'à la taille, et à l'aide grandes gaffes récupèrent le bois flotté charrié par le fleuve en crue.
"- Il a beaucoup plu ces derniers jours. on récupère le bois pour la cuisine."

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Nias est une île pauvre. A l'écart du reste du pays. Nias est le foyer d'une des cultures les plus originales de toute l'Asie du Sud Est. Villages conçus comme des forteresses, traditionnellement entouré de palissades en bambous, spectaculaires mégalithes sculptés. Pendant des siècles, l'île a subi les incursions des marchands d'esclaves d'Aceh (Nord Sumatra).

La route longe maintenant le bord de mer. Un an après le célèbre tsunami de 2004 (qui a peu touché Nias), un tremblement de terre de magnétude 8.7 (!), suivi d'une vague de 5 mètres, a détruit de nombreuses maisons sur la côte. Alors on bétonne le littoral. Le gouvernement et le district ont débloqué des fonds pour bâtir un mur en béton de 3 à 4 mètres qui fil le long de la plage.

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La nuit descend d'un coup. Sorake Bay, c'est le bout de la route. La fin du goudron.
Un portail. Un hôtel hors normes. Hors d'âge. Bungalows en bois exotique posés sur des piliers en béton, sous les cocotiers. La mer est à deux pas. Des dizaines de Gecko qui courent sur les murs lézardés. Une vieille piscine déglinguée, à l'eau croupie, et au carrelage défoncé.
Internet peut être l'an prochain… Un endroit où se faire oublier, un vrai décor de film.

Quelques pêcheurs au lamparo, juste en face de la paillotte qui tient lieu de restaurant, cherchent des crabes dans les eaux de la marée basse. On entend le grondement incessant des rouleaux qui se cassent sur les hauts fonds.



Mardi 3 Juin


J'ai entendu le grondement des rouleaux toute la nuit. Nous avons dormi juste à côté de la mer. On ne peut s'empêcher parfois de penser à l'éventualité d'un tsunami. Les tsunami se déclenchent à parti d'un séisme magnétude 7.2.  Il paraît qu'on a 15 minutes pour foutre le camp. Largement le temps de prendre mon sac et filer sur la colline.
Yon a travaillé trois ans à Band Aceh après le tsunami de 2004. Il dormait tout habillé. Porte de l'appartement avec la clé dessus à l'intérieur. Le plein dans le scooter. Il faut dire qu'il y a eu des milliers de répliques. La terre tremblait tous les jours. Yon restait connecté à un site internet qui donne une à deux minutes après les secousses l'intensité du séisme, une carte avec le lieu de l'épicentre, et le ratio d'alerte.

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Comment les habitants de Nias ont su se protéger des tsunami ? Le plus évident, c'était de ne pas s'installer au bord de la mer… Je sais que çà va faire rigoler certains, mais pourtant c'est une simple règle de bon sens.
Les communautés traditionnelles (animistes, avec une influence hindouiste) vivent dans les montagnes. Ce sont les "Ono Niha", habitants indigènes de l'île. On trouve les villages dans la forêt, jamais sous les cocotiers au bord de l'eau. Sur la côte, il y a les "nouveaux" venus : les indonésiens christianisés, et la petite communauté musulmane (8% de la population de l'île). Et maintenant, de plus en plus, des habitants de Nias qui viennent s'installer au bord de la route, en bas, par facilité.

Je suis venu voir à Nias les maisons en bois massif les plus grandes du monde. Elles ressemblent à des luges, posées sur une ribambelle de piliers, avec un toit très raide et très haut. Elles sont réputées de construction anti-sismique. Pourquoi résistent-elles si bien aux tremblements de terre ? Quelles sont les techniques employées ?

La petite route étroite serpente dans la forêt. Les quelques rizières de la plaine ont laissé place aux bananiers et aux cocotiers.
Le village de Bawamatoluo… 250 mètres d'altitude. On domine le paysage. Une étendue de forêt, avec au fond la mer. Là bas, on voit bien "Sorake Bay", le spot de surf où les australiens viennent flirter avec la vague. Mais pour les habitants de Nias, la mer, c'est le danger. Ils ont donc construit les villages sur les hauteurs. La meilleure manière de se prémunir contre les vagues géantes, les tsunami…

Un grand escalier en pierre mène au village, et on débouche sur une vue spectaculaire : la rue centrale de Bawamatoluo. On pourrait presque dire l'unique rue du village. Un village, c'est un clan : une vie collective dans un espace étroit contrôlé. Je suis venu voir la "maison du roi". La maison du chef… C'est la plus haute. Quinze mètres. Elle domine la village. Il ne reste que quatre maisons comme celles ci à Nias, et donc dans le monde. Elles sont exceptionnelles, mais je ne m'attendais quand même pas à un tel choc. Impressionnante ! Je ne m'imaginais pas cela aussi imposant, aussi gros. Plusieurs rangées de piliers massifs, énormes et entrecroisés, soutiennent la structure. La grosse pierre taillée sur laquelle on pose le pied pour rentrer dans la maison est superbe. Epousant la forme des piliers en ébène (!). Ici le bois est plus dur que la pierre…

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Les constructeurs de la maison du roi sont allés chercher les troncs d'Ebène sur l'île voisine de Batu, à 20 kilomètres de là…! C'était il y a plus de 250 ans. Il faut imaginer la traversée en bateaux de fortune, en portant les troncs (l'ébène ne flotte pas…). Puis l'invraisemblable monté dans la forêt jusqu'au village. Incroyable !

La terre tremble souvent ici. Pas loin, au large, la plaque tectonique de l'océan indien s'enfonce sous la plaque asiatique. Comment ces maisons sont elles anti-sismiques ? D'abord parce que ces piliers sont posés sur d'énormes pierres au sol. En séparant la structure du sol, il n'y a pas de transmission des forces horizontales. Ensuite - et c'est ce qui est spécifique à l'île de Nias - parce que le système de triangulation qui peut paraître surdimensionné, mais assure la cohésion de l'ensemble. Enfin parce que les assemblages sont rustiques, mais le système de tenons et mortaises permet un jeu fonctionnel important. Une absorption des chocs avant la rupture. Au pire, en cas de secousse énorme, l'espace habitable constitue une sorte de boîte, qui peut glisser sur les piliers, même tomber par terre, sans se briser. Le toit est léger donc peu dangereux. Lors du dernier tremblement de terre important, il y a deux ans, un séisme de magnétude 8.7 sur l'échelle de Richter !, qui a fait près de 1000 morts à Nias (dans les maisons modernes en béton et briques), quasiment toutes les maisons traditionnelles ont résisté. Personne n'a été tué dans ce type de maisons.

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Devant la maison, il y a ces mégalithes, qui sont plantées dans le sol, et ces sortes de tables géantes en pierre. La petite histoire dit que les habitants de Nias étaient cannibales, et qu'ils laissaient pourrir le corps de leurs ennemis sur ces immenses pierres. Mais je ne sais pas si c'est vrai…

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Je monte à l'étage.
Le choc, c'est cette grande pièce : environ 150 mètres carrés. Un espace rectangulaire en bois massif. Panneaux en bois massif, plancher en très larges planches. Une immense cheminée, sur le côté de la pièce. Face à la cheminée, côté rue, une sorte de grande baie sans vitres qui donne sur la rue. Faite de lames de bois posées à l'horizontale. Un look très contemporain. Elle laisse passer une lumière très douce dans la pièce. Elle laisse passer aussi l'air plus frais. C'est l'endroit où on est le mieux.

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Une charpente complexe mais légère supporte le toit. Il est en tôle ondulée aujourd'hui, pour des raisons de facilité d'entretien… Pourquoi les toits sont - ils si pentus ? Pour permettre une évacuation rapide de l'eau de pluie. Il faut savoir qu'il pleut environ 250 jours par an ici. Des pluies tropicales fortes, subites. D'ailleurs voici une bonne radée. En quelques secondes, un rideau de pluie avance dans la rue.

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La longue avancée de toiture sur la rue permet de dégager un espace important protégé de la pluie. A l'intérieur de la pièce, ce système de construction en porte à faux permet d'aménager d'immenses banquettes. Les pièces de bois sont monumentales. 10 à 12 mètres de portée en ce qui concerne les poutres ! Ces sortes de bas flancs sont faits de planches démesurées, en ébène elles aussi. Magnifique ! J'en mesure une : elle fait plus de 180 cms de large. Imaginez le tronc d'arbre…

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Les maisons de Nias sont aussi les seules en Indonésie à avoir un système particulier d'ouverture dans le toit. Depuis ces bas flancs, on peut ouvrir des panneaux, qui donnent une vue sur la rue. Cà permet la ventilation. Dès que la pluie cesse, on ouvre cette sorte de Velux local, et on peut ventiler la maison, et aussi étendre son linge sur les tôles.

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Je file dans la rue, le long des maisons. La vie du village est un face à face. Un tailleur travaille face à la rue, dans sa petite échoppe, exposé à tous les regards.
"- Non, çà ne me dérange pas… Au contraire !"
Il peut ainsi surveiller l'activité du village. Sous l'avancée de toit de sa maison, un homme est en train de travailler un bois tropical dense.
"- Oui je refais ma maison parce qu'il y a eu des dégâts avec le tremblement de terre.
- Vous trouvez encore de l'ébène ?
- Non, il n'y en a plus. On trouve seulement du bois comme celui ci."

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Les maisons de Bawamatoluo ont été inscrites à la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco. Alors depuis, comme dans tous les lieux de cette fameuse liste, les touristes ont déboulé. On attend le pélerin de pied ferme, pour lui proposer statues, colliers, coquillages, qui sont la nouvelle activité économique locale. Les touristes ont pourtant déserté aujourd'hui la zone, sous le double effet des attentats de Bali (nous sommes à plus de 1000 kilomètres de là !), et du tsunami de 2004. L'indonésie peine à refaire le plein.

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Dans l'après midi, nous descendons au bord de la mer. Quelques pêcheurs rentrent leur pirogue à balancier. On vend le poisson au bord de la route. Crabes, Red Snapper, Barracudas, et là un énorme espadon, de deux mètres de long. Devant la baie de Sorake, plusieurs petites maisons donnent directement sur la plage. Ici on peut louer des surfs, pour taquiner "Lagundri", une vague célèbre découverte par les surfeurs australiens dans les années 60. Un bon spot, vraiment. La vague prend naissance à l'endroit où la houle vient frotter les coraux. Quand vous l'attrapez, vous défilez devant les cocotiers jusqu'au fond de la baie. Du grand surf.

"Gompa ! Gompa ! Earthquake !". Les gens ont crié sur la plage. Certains sont sortis des maisons. Un tremblement de terre !
6.2 sur l'échelle de Richter. Les secousses sont duré 30 secondes. On a presque rien senti, on était sur la plage, en train de tourner le plateau de fin du film. C'est le troisième tremblement de terre de la journée. Dans un boui boui, on a commandé un Red Snaper grillé au citron, à l'ail et au beurre. Il m'en faudra plus pour me faire sortir de table.
Peut être si le ciel me tombe sur la tête ?


Mercredi 4 Juin


Pour un homme d'image comme moi, le voyage est un immense plaisir, et aussi une frustration. On voudrait tout capter, on voudrait rester partout plus de temps. Il nous reste quelques illustrations à tourner. Et un peu de temps pour nous. Juste pour nous. Si rare. Plus de vingt jours non stop…

D'énormes cumulonimbus se forment à l'horizon. Sur la plage, une noix de coco tombe dans l'eau, à dix mètres de moi. Je ne l'avais pas vu : un jeune est en train de les cueillir, à plus de 15 mètres de haut. Il rigole en se laissant glisser le long du tronc pour redescendre. Plus loin, une famille ramasse du sable avec des brouettes. J'imagine qu'ils sont en train de se construire une nouvelle maison. Un peu partout il y a les restes des troncs de cocotier : les habitants de Nias s'en servent pour en débiter d'épaisses planches à la tronçonneuse.

La plupart des pêcheurs en pirogue sont rentrés, il fait trop chaud en milieu de journée. Ils grillent les poissons juste pêchés, à même la plage. Ou plutôt juste là, sous les arbres. Ils les grillent en brûlant des noix de coco. C'est ce qui leur donne ce goût bien spécifique. La fumée qui monte à travers les feuilles des cocotiers vient flirter avec les rayons du soleil.

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La plage grouille de vie. Sous la moindre feuille de palmier en décomposition, il y a des centaines de fourmis qui s'activent. Là, des petits bernard l'hermites - les nettoyeurs de la plage - se sont attaqués à un crabe mort, prisonnier des algues. Plus loin, ce sont des poissons qui s'enfuient à mon approche. De tout petits poissons qui se déplacent très vite à la surface de l'eau, avec leurs deux nageoires qui battent comme des ailes, et leur queue qui fait balancier !

Lors du tremblement de terre de 2005, l'île de Nias a basculé dans la mer, côté Sumatra. ici, elle s'est relevée de deux mètres. Alors il y a ce plateau coralien qui émerge maintenant. Du corail mort à présent.
Me voici maintenant à l'extrémité sud de l'île. Nias est un bout du monde. Comme plein d'autres.  C'est un bout du monde parce qu'on l'a décidé dans sa tête. C'est plutôt la fin d'une histoire. Disons que je suis au bout, parce qu'en face il n'y a que l'Océan Indien. D'ici, si on partait plein sud, la première terre rencontrée serait l'Antarctique…

A la faveur des courants contradictoires, à la pointe de l'île, un tas de bois flotté s'est constitué. Je fouille du regard ces pièces de bois échouées. J'y trouve l'extrémité d'une vieille pagaïe. Je me plais à penser qu'elle pourrait être très vieille. Peut être de celles qui ont servi aux habitants de Nias pour aller chercher en pirogue les troncs d'ébène sur l'île voisine… ?

En fin de journée, à "l'heure des requins", le soleil vient se frotter contre le front nuageux, au sud. Le pays nous donne encore quelques instants de sa lumière magnifique. Un vrai temps de pause. Demain nous commençons le long voyage de retour.

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Jeudi 5 Juin

Nous sommes "tankés" sur le petit aéroport de Gunung Sitoli.
Des trombes d'eau ont empêché le bimoteur de la Merpati Airlines de se poser. Il vient de faire demi tour vers Medan.
Nous partirons peut être ce soir, peut être demain. Selon la pluie.
Je vais arrêter ce journal de bord ici.

Comme je l'ai écrit ailleurs, il m'est souvent difficile de terminer un voyage. Pas si facile de rentrer. Il y a chaque fois ce paradoxe : cette envie de rester, et aussi ce désir de rentrer, en rapportant un petit bout de ce pays qui vous habite à jamais. Moments difficiles à décrire, quand le sentiment océanique vous envahit, à la fin d'un véritable voyage pathologique. Les images et les mots aident aussi à cela. A se construire. Apaiser sa curiosité permanente. Dans cette vaine et insatiable quête d'un désir d'ailleurs.

   
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