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Habiter la terre… Chine ! - Shanghaï

Voyage en Chine
Septembre - Octobre 2007


Shanghaï


Vendredi 28 Septembre

Pas bien réveillé ce matin…
Nous filons à l'aéroport, le ventre vide. Café dégueulasse. Quelques touristes embarquent avec nous sur le vol Lijiang > Kunming.
Escale à Kunming.
Vol Kunming > Shanghai. La discussion porte sur les idéogrammes. Zhe m'explique les caractères simplifiés, les caractères anciens, que l'on retrouve à Hong Kong. Zhe a fait dix ans de calligraphie, à partir de 6 ans. La première année, on ne fait qu'apprendre à tenir le pinceau, sans même. Des sessions d'un quart d'heure à tenir le pinceau devant soi, sans bouger. Pendant une heure environ. Puis la deuxième année, on commence à travailler avec de l'encre. Les vieux caractères, plutôt arrondis. Les différents styles. Tout cela est passionnant.

14h00. Le boeing 737 de China Eastern commence sa descente. Nous plongeons dans une épaisse couche de mélasse. Un mélange de nuages et de pollutions. Ce nuage de pollution est d'ailleurs surveillé en permanence par les scientifiques chargés de l'atmosphère. Un nuage qui ne se résorbe jamais. Il recouvre tout l'est du pays, les zones urbaines.

Nous nous posons à Shanghai. Première fois que je viens ici. Shanghai… Plus de 13 millions d'habitants, deuxième ville du pays après… Chongqing (30 millions !). Bravo, vous êtes au point !
J'avais beaucoup lu sur cette gigantesque métropole. La ville des échanges commerciaux avec l'occident, par voie maritime. Puis La guerre de l'opium. Les concessions britanniques et françaises. Deng Xiao Ping, qui décrète la ville zone économique ouverte aux étrangers en 1992. Puis le fameux miracle économique chinois : un flux de capitaux étrangers, principalement concentré sur le littoral du pays. Shanghai en est un des symboles les plus connus.
Mais - comme d'habitude - difficile de se faire une idée à distance. Long travelling routier de l'ancien aéroport jusqu'au centre ville. Deux étages de voie rapide - sur piliers en béton - serpentent à travers les immeubles. On pourrait traverser la ville en lisant l'histoire de son urbanisme.

Aujourd'hui Shanghai c'est le symbole même de la Chine moderne, bien sûr. Ici on aime bien se faire remarquer. Shanghai, c'est la ville de la course au fric. Au succès. A la reconnaissance.
Immeubles tous plus hauts et originaux les uns que les autres. Pub géantes sur les façases, débauche d'idéogrammes, emballages de façades par bâches géantes, ribambelles de magasins. Echangeurs à plusieurs niveaux, trafic dantesque, véhicules de toutes sortes : derniers modèles de 4 X 4 américains, tricycles tractant une cariole de cartons, camions poussifs période Mao, nuée de scooters et vélos électriques. Le piéton n'a que quelques secondes pour traverser le carrefour, quand le décompte lumineux et sonore commence, en général réglé sur 17 (secondes). Tong, tong, tong, tong…  La foule, pourtant, partout. Shanghai a tout d'une ville asiatique. En même temps, elle garde un côté ordonné. Elle reste propre, même si elle est bruyante.

Nous filons au bord du fleuve, sur le Bund, cette promenade célèbre. Il y cette vue classique de Pudong, en face. Des milliers de visiteurs - beaucoup de touristes chinois - viennent prendre cette photo du nouveau quartier d'affaires de Shanghai. Ca mitraille dans tous les sens, on crie dans toutes les langues. Cette population se mélange aux bonimenteurs, et à tous ceux qui rentrent du travail ou qui y partent. Une femme vend des noix de coco fraîches, un gamin veut nous refiler des sortes de roulettes de roller qu'on accroche aux baskets. Au dessus des têtes, et comme s'ils étaient en suspension au milieu des immeubles, deux cerfs volants se font la bataille, en pleine ville. Le ciel est d'un noir menaçant. Quelques gouttes, même. L'ambiance est électrique, les gens excités et émerveillés en même temps. Une immense barge passe au milieu du fleuve, avec un écran géant gigantesque, qui diffuse une publicité psychédélique pour une marque de jeux vidéo. Parfois les nuages descendent si bas que le sommet des grands immeubles de Pudong, là bas en face, disparaissent dans les nuages. On se dirait dans un film de science fiction.
Tombée de la nuit. Les immeubles s'éclairent un à un. C'est la course aux éclairages sophistiqués et fantaisistes. Les chinois aiment ce qui brille, et ce qui fait du bruit. Les inventeurs de la poudre, les rois du feu d'artifice…

Quelques rues du centre ville sont envahies d'une nuée de jeunes gens, qui goûtent aux joies futiles de la consommation à outrance. Voici le quartier des magasins de marque internationaux. On a emballé les arbres de guirlandes lumineuses. Des écrans géants diffusent des publicités cocaïnées. Galerie de portraits frôlant la caricature. Bimbos chinoises, hommes d'affaires s'éjectant des taxis, jeunes adolescents au look faussement négligé, touristes perdus dans la foule. Tout le monde participe et semble se délecter - dans une frénésie légèrement robotique - de ce vaste et inexorable mouvement qui transforme le monde en centre commercial.

J'aime les villes pour leur côté cosmopolite. J'aime aussi leur caractère insaisissable. Du fait de leur grandeur. Si facile de s'y perdre. De s'y abandonner.
Pour échapper au vacarme et aux gaz d'échappement, nous nous réfugions dans un minuscule restaurant familial, après avoir choisi sur l'étalage quelques légumes et autres viandes qu'on va nous passer au wok. Intérieur en formica et carrelage, tout blanc. Match de foot féminin à la télé. Trois ouvriers en bleu de travail mangent, chacun seul à sa table. Le patron s'endort sur une chaise. Il n'y a que la cuisinière - pas commode - qui veille au grain.

Nous rentrons à pied, en croisant la foule. Hôtel au centre. Chambre au 34 éme étage.
La ville scintille de tous ses feux. Elle ronronne aussi. Un continuel grondement, qui passe à travers la baie vitrée dont l'ouverture a été condamnée. Dès fois qu'on aurait envie de sauter…


Samedi 29 Septembre

Quartier de Pudong.
On s'est fait refouler avec la caméra à l'entrée de la télévision tower. Pas grave. On file à pied à l'hôtel Hayatt. 84éme étage. Nous sommes à plus de 300 mètres au dessus de la ville. Juste à côté, il y a l'immeuble encore en chantier du centre d'affaires, qui culminera cette forêt de buildings. Plus haut que la Television Tower.
De ce point de vue, la ville est une véritable forêt d'immeubles. On voit très bien le fleuve, et un intense trafic de barges. Sur l'autre rive, on distingue le centre ancien, aux maisons à quatre étages aux toits de tuile sombre. Une partie du centre ancien a été totalement reconstruite en vieux quartier chinois. Ils sont très forts à ce jeu là. On voit aussi très bien les quartiers en construction, un peu partout. Un rapide regard vers l'intérieur de l'immeuble, pour voir la perspective plongeante sur les étages de chambres de l'hôtel.

Un taxi, qui nous ramène au centre ancien, ou ce qu'il en reste.
Repas sur le trottoir. Aquarium de crustacés, poissons, requins. Plusieurs poissons morts, le ventre en l'air… Carrefour avec une intense circulation de toute sorte. Embrouillamini de fils électriques. Façades crasseuses aux balcons surchargés, et ces immeubles en guise de ligne d'horizon.

Nous montons chez Zhu. C'est sa grand mère, qui nous guide. Nous l'avons rencontré dans la petite ruelle. Quatrième étage. Un minuscule escalier en bois qui se redresse au fur et à mesure que l'on monte. Les paliers donnent accès à des pièces sombres. Cloisons en isorel…
Zhu a un grand sourire, une quarantaine d'années. Elle vit avec sa mère et son fils, au quatrième étage de ces vieux immeubles. Minuscule pièce encombrée d'affaires. Une natte dans un coin. Des tas d'affaires soigneusement empilées dans tous les coins de la pièce. Zhu est bouddhiste, elle cultive sur sa terrasse des petits figuiers (ficus religiosa - l'arbre sous lequel Bouddha médita pendant 7 ans avant l'illumination). Elle récolte les fruits, qu'elle fait sécher, qu'elle perce, et ensuite elle les assemble en bracelet avec un petit élastique. D'ailleurs elle nous en offre un à chacun. Bras gauche, le bras droit est impur.
Depuis la terrasse de Zhu, on a une belle vue sur les immeubles voisins… En bas, le vacarme de la ville. Zhu ramasse son linge. Zhu ne voudrait pas habiter ailleurs. parce qu'elle a toujours vécu ici. Mais ces maisons vont disparaître. Ils seront sûrement démolis dans quelques années. Ils donnent une mauvaise image de la Chine. D'ailleurs nous avons été pris à partie, en bas : "pourquoi montrez vous cela ? Pourquoi ne pas filmer ailleurs ?". Il faut expliquer, toujours, partout.

Nous sommes repartis, faire des images du reste de la ville.
Je voudrais raconter ces entrelas de voies rapides, ces embouteillages, l'expansion de la ville, les quartiers en construction. Comment les chinois s'entassent dans les grandes métropoles.
Quand on quitte le centre ville, on retrouve des immeubles plus anciens, et aussi de vastes quartiers en chantier. Puis ces longues avenues où s'alignent une ribambelle de petites entreprises, magasins, ateliers, sous traitant dans tous les domaines de la vie économique et du commerce, de l'agriculture à la micro informatique, en passant par l'automobile, le textile, et tous les biens de consommation possibles. Tous donnant sur les avenues. Avec leur cortège de transports spécifiques associés. Ou parfois décalés. Un vélo charrie des ordinateurs, ou des bouteilles de gaz, un camion est rempli de cartons ou de bouteilles plastiques vides. Le propre des villes asiatiques me direz vous ?  Oui, mais avec cette spécificité chinoise : le mouvement.

Nous tentons en vain d'entrer dans un chantier de construction, en vain. Malgré les négociations à l'entrée, impossible de rentrer à la volée. Retour au centre, dans la poussière et la pollution. Il faudrait raconter ces moments passés dans les taxis, à voir défiler la ville, quand les idées se mélangent un peu, cette sorte de brouillard de l'esprit, ces moments où on se laisse aller. Trouver un petit moment juste à soi, en rêvassant devant le trafic. Ou alors s'oublier totalement. Laisser l'esprit vagabonder en regardant la foule qui sort du travail, qui se presse aux carrefours. Et toujours cette radio taxi qui crachote les ordres en mandarin. Et ces bus qui crachent une fumée noire.
La nuit tombe d'un coup, vers 18h00.
Repas pas loin de l'hôtel, dans le quartier de l'ancienne concession française, transformé en galerie de restaurants et magasins de décoration et autres fringues branchées.

Dimanche 30 Septembre

Si 60 % des chinois sont liés au monde rural, les classes moyennes sont devenues un vrai groupe de population en l'espace d'une décennie. Et dès qu'on parle de groupe de population dans ce pays, cela concerne vite des millions de personnes.
Explosion démographique (fin de la politique de l'enfant unique), exode rural, population de migrants, les raisons sont multiples. Les prospectives prévoient que 400 millions de chinois auront du mal à se loger dans les cinq prochaines années. Alors on construit à tout va. D'énormes programmes immobiliers, par des promoteurs étrangers (les plus gros viennent de Singapore) mais aussi chinois.

Nous avons rendez vous en banlieue, dans le sud de la ville. Shanghai est un énorme embouteillage. Il nous faudra une heure pour rejoindre le lieu du rendez vous, un secteur d'immeubles en chantier, énormes barres emballées dans les grands filets verts de protection des échafaudages. Des milliers d'appartements pour loger les classes moyennes chinoises, qui aspirent toutes à la propriété individuelle avec l'éclatement des familles traditionnelles.

Song Yang et son ami Deng arrivent en taxi.
Song Yang a un immense sourire, elle est joyeuse. 24 ans. Ingénieur des ventes dans une compagnie d'électronique. La Chine moderne, joyeuse, positive. Indestructible. Parce que ses parents ont tout vécu. Parce qu'elle veut tout vivre. Talons hauts, chignon, t-shirt à décolleté brodé.

Une maquette géante du quartier montre l'alignement des barres d'immeubles. Ici, on va loger environ 3000 familles, dans des tours de 20 étages, avec toutes les commodités à proximité, c'est à dire le centre commercial, la banque, et l'école. Une vision paradisiaque ou cauchemardesque, selon le point de vue qu'on adopte.
Un petit minibus électrique nous conduit à l'entrée du chantier. Les ouvriers ont fini leur pause, ils reprennent le boulot. Song Yang file en talons hauts au milieu de la boue, en zigzaguant entre les panneaux de coffrage, les éléments d'échafaudage, les grues, la ferraille.

Nous nous engouffrons dans l'immeuble en construction. Une porte métallique ouvre sur un appartement témoin. Intérieur design. Cuisine moderne, salle de bain équipée. Climatisation. Accessoires high tech. Le meilleur compromis entre le prix et l'aménagement intérieur. Song Yang virevolte en ouvrant les placards, en montrant les commodités. Ce qu'elle préfère ici, c'et la vue. Elle écarte les rideaux pour dégager la baie vitrée. En face, un autre immeuble, identique à celui ci. Sur la droite un ancien canal aux eaux stagnantes, infesté de moustiques, ceux qui se sont rués sur nos molets quand nous avons traversé le chantier. Mais bientôt tout sera clean, on aura fait une nouvelle rivière artificielle, avec de petits ponts, et les poussettes des enfants glisseront au ralenti sur les pavés auto-bloquant des promenades, sur fond d'immeubles alignés au cordeau.

Dans quelques mois, Song Yang va aménager ici. Pour l'instant, elle vit toujours au centre ville, dans un immeuble vétuste. Elle nous y conduit. Changement de décor, changement d'ambiance !
Immeuble à petits carreaux de céramique verdâtre sur la façade. Années 80. Mauvaise qualité. Petits appartements. Délabré. En bas, quatre dames font les concierges.
12 éme étage. La porte est ouverte, pour faire des courants d'air.
Song Yang vit en co location avec trois autres personnes. Nous entrons dans une minuscule cuisine au sol graisseux. Petite table avec les restes du dernier repas. Cette nuit, un des poissons rouge a fait ses petits. Song Yang se précipite pour les transvaser dans un autre bocal en plastique. A gauche, la chambre de Song Yang, minuscule, mais la pièce la mieux rangée. En face une salle de bain. Le lavabo crasseux, plein de fringues sales. Une petite baignoire ébréchée, avec une dizaine de restes de savon dans le porte savon. A droite une grande pièce, occupée par un des colocataires, avec un capharnaüm invraisemblable… Comment peut on vivre dans un endroit aussi bordélique !? Un vieil ordinateur, éléments d'étagères, linge sale par terre, vieux modem poussiéreux côtoyant une télévision d'une autre époque. Pour l'instant le gaillard joue aux échecs sur son ordinateur. C'est Dimanche, le dernier jour avant les vacances. Une semaine de break pour tout le monde en Chine (enfin pour les gens des villes…). Ici, on va jouer aux cartes toutes les nuits, en pariant de l'argent.
L'argent, il y en a toujours quelque part en Chiner. Deng boursicote à ses heures. Il a déjà acheté 300 hectares sur l'île de Hainan, dans le sud du pays. Il a un projet de développement de cultures de légumes. Pour l'instant, il est descendu acheter des crabes et des crevettes. Des crabes de Shanghai, la spécialité locale.
Deng est responsable de la cuisine. Song Yang fait les lessives, et l'autre lascar fait la vaisselle et le ménage (!). Répartition des tâches.
Nous dévorons crabes, poisson et crevettes, en rigolant autour de la table.

Retour au centre, bloqué par les embouteillages. Nous sombrons dans un demi sommeil dans le taxi, les vêtements moites, les oreilles qui bourdonnent, la tête lourde, assommé par l'air vicié, et le surmenage d'une des plus fascinantes métropoles chinoises.
Demain, c'est le premier Octobre, jour de fête nationale, nous filerons à Pékin, avec un détour par le secteur de la grande muraille.

=:-)



Etape suivante : Grande Muraille

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